« Ils les ont percuté volontairement ! Appelez les pompiers, n’enlevez pas le casque, ne les mettez pas plus en danger, c’est pas normal ce qui se passe. C’est des enfants », la vidéo et les commentaires de l’une des témoins du drame sont glaçants.
Le jeudi 13 avril, un peu après 23h30, aux dires des témoins, une voiture de police percute volontairement lors d’une course-poursuite le scooter de 3 adolescents de 17, 13 et 14 ans qui rentraient chez eux. Aujourd’hui, la plus grande qui conduisait le scooter est hospitalisée dans un état grave (côtes cassées, fracture de la colonne vertébrale, hémorragie interne) et les 2 autres sont sortis de l’hôpital.
Les policiers affirment qu’ils voulaient contrôler les mineurs parce qu’ils étaient à 3 sur un scooter et parce qu’un des 3 n’avait pas de casque et que la conductrice aurait refusé d’obtempérer avant de perdre le contrôle du véhicule.
Sauf qu’évidemment la version des policiers est en totale contradiction avec celle des mineurs qui ont parlé et des témoins qui ont assisté au drame. Avant d’avoir percuté volontairement le scooter, une policière les aurait menacé avec une arme et les policiers auraient tenté de les déséquilibrer en ouvrant une portière.
Tout a été fait par la suite pour décourager les familles et les victimes de porter plainte et les témoins du drame de témoigner. Les familles ont été averties très tardivement, 5 heures après l’accident pour celle de l’adolescente et de son petit frère, comme si les policiers avaient besoin de temps pour préparer leur version des faits et elles ont été découragées d’aller voir l’IGPN. Les forces de l’ordre auraient dissuadé les témoins du drame de rester pour livrer leurs témoignages et une des témoins aurait été menacée pour qu’elle efface des vidéos de son téléphone.
Mise en danger de la vie des victimes y compris après le choc quand les policiers enlèvent les casques et déplacent les adolescents accidentés, « dissimulation manifeste » d’éléments, tentative de destruction de preuves et de subordination de témoin, volonté de détourner la procédure pour criminaliser les victimes et diviser les familles entre elles, rien ne va dans cette histoire. Une plainte a été déposée pour « tentative d’assassinat par personne dépositaire de l’autorité publique avec arme par destination »
Acculés, les policiers ont finalement fini par reconnaitre qu’ils avaient menti de fait en revenant sur leur première version et en admettant qu’il y a eu contact avec le scooter, la préfecture de police de Paris s’est sentie obligée de les suspendre et ils ont été mis en garde à vue jeudi 20 avril à l’Inspection Générale de la Police Nationale. A l’issue de cette garde à vue seul le conducteur a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer.
Evidemment, ils ne vont probablement pas reconnaitre ce qui est apparu évident aux yeux des victimes et des témoins du drame, qu’ils auraient volontairement percuté le scooter des jeunes et ce sera tout l’enjeu de l’enquête qui va suivre.
Mais c’est une première victoire qui est à mettre à l’actif des familles, de leur avocat et des témoins qui sont restés dignes malgré le drame épouvantable qui les touche et qui n’ont rien cédé face aux intimidations de la police. Sans leur courage, la première version des policiers, celle d’un simple accident de la route n’aurait pas été contestée et jamais nous n’aurions entendu parler dans les médias du drame qui s’est joué rue de Bagnolet dans le 20ème arrondissement.
Mais la longue histoire des violences policières amène à la plus grande prudence parce que cette histoire est d’abord celle de l’impunité policière. Le policier incriminé dans la mort de Larami et Moushin à Villiers-le-Bel en 2007 après avoir percuter leur moto a écopé…de 6 mois avec sursis. Le plus souvent les policiers sont relaxés, au mieux ils écopent d’un sursis.
Ce qui peut tout changer c’est la solidarité qui s’exprime entre les familles, les témoins, les habitant.e.s du quartier face aux tentatives de criminalisation des victimes, d’intimidation des témoins pour étouffer l’affaire. Un comité de soutien est en cours de constitution et une marche sera organisé lors du week-end du 1er mai. La constitution d’un comité de soutien avec les habitant.e.s, les collectifs, associations et partis du 20ème arrondissement est décisive pour connaitre la vérité sur les circonstances du drame comme est décisive la mobilisation des habitant.e.s des quartiers populaires, les premiers touchés par les violences policières et les premiers à subir l’impunité de la police.
Les familles aujourd’hui sont aux côté de leurs enfants, elles espèrent qu’ils se rétabliront le plus rapidement et le mieux possible en particulier Safyatou, la plus gravement touchée. Elles demandent que leur soit accordé un accompagnement psychologique pour elles et pour les victimes et elles demandent évidemment vérité et justice pour Safyatou, Salif et Ilan.
A l’heure où les pratiques policières sont contestées face à la répression brutale des manifestations, c’est le moment de ne pas oublier que les quartiers populaires ont longtemps servis de laboratoires aux pratiques policières aujourd’hui contestées dans les manifestations et qu’ils restent encore le lieu où se déploient avec le plus de brutalité l’impunité et la répression policière.
Laurent Sorel