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Trop c’est trop : grèves pour les salaires en Grande-Bretagne

Grève des cheminot.e.s, grève des dockers du port de Felixstowe et grève à la poste, possibilité de grève des enseignant·e·s et et des infirmier·e·s à la rentrée … La lutte sociale fait un retour spectaculaire en Grande-Bretagne. Avec une inflation à près de 11 % et l’explosion des prix du gaz et de l’électricité, des dizaines de milliers de salarié·e·s ont refusé de se laisser appauvrir alors que les riches s’enrichissent, et se sont mis en lutte.

À l’initiative de syndicats combatifs, le mouvement Enough is Enough (« Trop c’est trop ») vient de se créer pour populariser les grèves, élargir la lutte et organiser la solidarité entre la population et les grévistes. En quelques jours, la première vidéo de Enough is Enough a été vue des millions de fois. Ses revendications : augmenter les salaires, baisser les prix de l’énergie, mettre fin à l’insécurité alimentaire, garantir un logement décent pour tou·te·s, et taxer les riches.

Nous traduisons ici le compte-rendu qu’a fait l’organisation britannique Revolutionary Socialism in the 21st Century du premier meeting de cette campagne qui ne peut que nous inspirer.

Le premier meeting de Enough is Enough, la nouvelle campagne contre l’explosion du coût de la vie, s’est tenu mercredi 17 août. Colin Wilson nous le raconte.

Plus d’un millier de personnes se sont pressées dans la salle du Clapham Grand, dans le sud de Londres, pour le premier meeting de Enough is Enough, la campagne sur le coût de la vie lancée notamment par RMT (syndicat des transports), le CWU (syndicat de la poste et des télécoms) et Acorn (association de lutte), et qui est aujourd’hui également soutenue par le UCU (syndicat de l’enseignement supérieur). Ce n’était pas un meeting de gauche traditionnel avec des rangées de chaises et des orateurs assis à une table. En arrivant, on aurait plutôt dit une boîte de nuit avec un public, majoritairement jeune, qui buvait et bavardait. Les orateurs·trices ont été acclamé·e·s par une foule occupant toutes les places de la salle, et il a fallu refuser des spectateurs·trices par manque de place, la queue pour entrer débordant jusqu’au coin de la rue.

Évidemment, la différence et l’atmosphère électrique sont dues à la colère ressentie par des millions de personnes contre le coût de la vie, leur peur des factures de cet hiver, et la riposte lancée sur les lieux de travail par RMT et le CWU. Le jour même du meeting, cette riposte s’est poursuivie avec le vote des adhérent·e·s du CWU pour une grève à la Royal Mail, avec un score exceptionnel de 97,8 % des voix. Enough is Enough vise à faire converger ces luttes dans les entreprises avec des organisations de quartier et à créer une campagne pour toute la classe travailleuse.

Cela implique de rejeter les tentatives de diviser les travailleurs·e·s, et Dave Ward du CWU, le premier intervenant, a souligné l’importance de combattre le racisme. En présentant Jo Grady du UCU, l’animateur de la soirée a mis en avant le soutien ferme que son syndicat apporte aux personnes trans. Dave Ward a exprimé la nécessité d’impliquer celles et ceux qui ne travaillent pas, et le militant pour le droit au logement Kwajo a parlé des conditions d’hébergement indignes qui affectent de très nombreuses personnes.

Beaucoup d’intervenant·e·s ont condamné la direction du Parti travailliste pour son absence de soutien aux grèves et pour son incapacité faire une proposition conséquente sur le coût de la vie. La députée travailliste Zarah Sultana a déclenché un tonnerre d’applaudissements en déclarant devant l’assistance : « Voilà la leçon que certains dans mon parti devraient apprendre quand une grève éclate. Ce n’est pas les travailleurs contre la population. C’est les travailleurs contre les patrons. Il faut choisir son camp ».

Si l’événement rappelait, par sa colère contre le système et son désir de changement, l’enthousiasme des premiers temps autour de Jeremy Corbyn, il avait aussi, comme l’a souligné Dave Ward, quelque chose à voir avec le début de la pandémie : un aspect de réponse collective, le besoin d’un autre type de société. L’un des moments les plus applaudis de la soirée fut lorsqu’un intervenant de la People’s Assembly (collectif contre l’austérité) a déclaré devant l’assistance : « Nous demandons une société socialiste ». Cette exigence est renforcée par le lien direct établi avec d’importants syndicats engagés dans des luttes. À la fin du mois, quelque 170 000 militant·e·s du CWU vont se mettre en grève, aux côtés de milliers de travailleurs·ses du rail et après les débrayages qui ont éclaté la semaine passée dans des entrepôts d’Amazon. Jo Grady a raconté comment la mobilisation du UCU a permis ce mois-ci d’obtenir des emplois permanents pour 4 800 salarié·e·s de l’Open University jusque-là en contrat temporaire. Michael Rosen a lui témoigné de son expérience récente sur le piquet de grève du UCU à l’université de Goldsmiths.

Le dernier orateur, Mick Lynch de RMT, a décrit comment la stratégie initiale du gouvernement consistant à attaquer et à tenter d’isoler les cheminot·e·s, avait abouti à l’inverse de son objectif. Au contraire, elle a encouragé une large solidarité. Mick Lynch a poursuivi : « Nous sommes en lutte de classe. Ils veulent baisser notre retraite. Ils nous disent de nous la fermer au travail. Ils disent qu’on doit déréguler. Ceux qui nous font ça, ce sont des gens sortis des écoles privées d’Eton et de Winchester. Dès que Liz Truss arrivera au pouvoir, elle limitera le droit de contester… Ils sont en train de prendre une orientation de droite dure. Ce sont des extrémistes de la droite dure ».

« Ils agissent selon leurs intérêts de classe, il est temps que nous agissions selon les nôtres », a déclaré Mick Lynch lors du meeting. « La classe ouvrière est de retour. Nous refusons d’être humbles. Nous refusons d’être pauvres plus longtemps. Nous allons organiser chaque secteur de notre classe. Syndiquez-vous. Impliquez d’autres syndiqué·e·s dans la mobilisation. Poussez vos responsables syndicaux à se mettre en action. Changez vos responsables s’ils ne construisent pas la mobilisation. »

Enough is Enough est un mouvement large, a insisté Mick Lynch, qui inclut la People’s Assembly et bien d’autres forces. L’une d’elles devrait être la campagne Don’t Pay (« On ne paie pas », appel à ne pas payer les factures d’énergie), dont les tracts ont été bien accueillis par les personnes faisant la queue à l’entrée, mais qui n’a malheureusement pas été évoquée à la tribune. Il y a assez d’énergie pour mener de nombreuses campagnes, pour se mobiliser de différentes façons – toutes méritent d’être soutenues.

Quelle est la prochaine étape pour Enough is Enough ? Des meetings dans d’autres villes sont déjà prévus et des comités locaux sont en train de se constituer. La campagne organisera la solidarité sur les piquets de grève ainsi que d’autres actions de masse pour mettre la pression sur les entreprises du secteur de l’énergie. Si vous ne vous êtes pas abonné·e à la newsletter, rejoignez les 400 000 personnes qui l’ont fait dès la première semaine et impliquez-vous dans la mobilisation !

Colin Wilson.

Initialement publié le 18 août par RS21 : https://www.rs21.org.uk/2022/08/18/vibrant-launch-for-enough-is-enough/
Traduit par la Gauche écosocialiste.