Dans la nuit du samedi 17 au dimanche 18 juin, 115 cerfs-volants portant les photos, les noms et les dates de naissance des Palestiniens tués par l’armée israélienne pendant les manifestations de la Grande Marche du Retour à Gaza ont été accrochés sur l’une des plus importantes avenues de Tel Aviv.
« Il y avait eu bien sûr, des actions organisées par des groupes comme la Coalition des Femmes pour la Paix, ou des manifestations de solidarité à Haïfa, mais nous avons pensé qu’il était indispensable de montrer à la population israélienne les visages de ces 115 personnes qui ont été tuées, et qui avaient des frères, des sœurs, des parents » a déclaré une des organisatrice de cette action. Ces cerfs-volants étaient également un symbole de la solidarité avec les Palestiniens qui utilisent des cerfs-volants enflammés à Gaza pour se défendre contre l’armée israélienne. « Nous voulions remettre en cause la tranquillité de notre voisinage, dire à la population indifférente qu’elle n’aurait pas la paix et le calme tant que les Palestiniens ne les auraient pas ».
Cette action symbolique est l’une de celles, parmi tant d’autres, qui sont ignorées par la presse internationale, alors que le mouvement d’opposition, de résistance à la politique du gouvernement Netanyahou prend de multiples formes.
Un nouveau mouvement politique de gauche, Omdim Beyachad (Ensemble, Debout), créé en octobre 2015 s’est donné pour but de favoriser, dans l’action, l’unité des forces politiques, ONG, structures syndicales et associatives qui s’opposent à l’occupation, la colonisation et aux politiques néo-libérales du gouvernement du Likoud. Pour ses fondateurs, il s’agit de tisser des liens entre les militants qui se sont révélés lors des mobilisations sociales de 2011 (notamment en créant une nouvelle force syndicale, « le Pouvoir aux Travailleurs », en rupture avec la centrale historiquement liée aux travaillistes) et ceux qui sont engagés depuis des années dans les organisations des droits civiques, contre le développement des colonies, etc.
Omdim Beyachad développe une une analyse globale et reconnait l’interdépendance de l’actuelle occupation des territoires palestiniens, des disparités sociales et économiques croissantes dans la société israélienne et des attaques gouvernementales contre les libertés démocratiques et les citoyens israéliens Arabo-palestiniens.
Elle estime que la société israélienne est en crise. Les capacités des organisations existantes, que ce soit les partis traditionnels de la Gauche ou les diverses ONG à « thème unique », à mobiliser et à rendre actif le peuple progressiste en Israël sont de plus en plus limitées. Omdim Beyachad se constitue comme un « mouvement populaire, un mouvement socio-politique de base, inclusif, pluraliste, basé sur les militants, démocratiquement organisé et porteur des valeurs Socialistes ».
Alon-Lee Green, l’un des dirigeants nationaux du mouvement explique que l’objectif d’Omdim Beyachad est de créer un mouvement judéo-arabe pour une alternative de gauche, qui met l’accent sur « l’intersectionnalité » de l’occupation et de la crise politique et sociale en Israël. « Nous pensons que cette crise n’est pas un fait accompli. Nous pensons que notre société, notre vie politique et notre réalité quotidienne peuvent être radicalement transformées. Nous devons arriver à une paix basée sur la justice et l’indépendance pour nos deux peuples. Nous luttons pour la justice sociale et environnementale, pour une société plus égale, sans discriminations nationales, ethniques ou de genre. Mais pour transformer cette réalité, il ne suffit plus de créer des organisations sectorielles, qui se rassemblent à partir de zéro chaque fois qu’un nouveau danger apparaît. Pour changer cette réalité sociale et politique, nous devons construire un vaste mouvement, basé sur une vision du monde socialiste ».
Omdim Beyachad a tenu sa première Assemblée Nationale en décembre 2017, en présence de militants Juifs et Palestiniens. Des contacts étroits ont été établis avec des représentants de la « liste unique » qui s’était présentée aux élections de 2014, et qui regroupait des militants communistes, progressistes et nationalistes palestiniens.
L’organisation a joué un rôle crucial pour coordonner les actions de nombreux groupes engagés dans des manifestations pour les droits civiques, contre les destructions de maisons arabo-bédouines, contre l’extension des colonies. Sur le front social, Omdim Beyachad est impliqué dans le mouvement revendicatif pour l’instauration d’un montant minimum mensuel de 5000 shekels (1200 €) pour les pensions de retraite.
Depuis le début des Marches pour le Retour et des massacres perpétrés par l’armée israélienne, Omdim Beyachad a lancé une coalition de 14 organisations pour la paix et mouvements politiques. Cette coalition a organisé de nombreuses manifestations et actions, notamment devant l’ambassade américaine et devant le siège du Likoud.
Une nouvelle force de gauche est en train de se constituer en Israël. Comme les organisations de la gauche radicale en Europe ou aux Etats-Unis, elle se pose les questions d’organisation, de démocratie interne, d’enracinement local. Encore faible et isolée, elle ne peut pas être ignorée de ceux qui mènent des débats et des mobilisations internationalistes.
Mathieu Dargel
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