Au premier abord, ça m’a gonflé. Et puis après, ça m’a inquiété. Maintenant, ça me fait carrément flipper. Je ne compte plus le nombre de commentaires de ce type : « Tu n’es pas clair, tu votes Macron ou pas ? » , « C’est super grave, il faut voter Macron. », « Si tu ne votes pas Macron, tu votes Le Pen. », « Tu ne vas pas voter Le Pen quand même ? », « Ne pas voter Macron, c’est user de son privilège de mâle blanc privilégié. ». Et j’en passe.
Camarade, camarade antifasciste du second tour, comment te dire…
Le Pen est au second tour de l’élection présidentielle, son score est énorme. C’est en 20 ans la troisième fois que la candidature d’extrême-droite est au second tour et plus les fois passent, plus ses chances de l’emporter sont grandes. D’autant qu’un candidat fasciste lui offre une réserve de voix. D’autant plus que les idées d’extrême-droite ont un boulevard quotidien dans les médias et dans la bouche de beaucoup de responsables politiques.
Mais, camarade, recommençons, si cela ne dérange pas trop ton plan établi depuis un bout de temps, sur ces dernières années, derniers mois, sur ces dernières semaines…
Si nous en sommes là c’est bien entendu la faute des néo-fascistes. Dans le sens où elles et ils ont construit avec patience et stratégie leur possible victoire. Dans le sens où elles et ils ont réussi à faire infuser leurs idées nauséabondes dans la société et dans un certain nombre de mouvements politiques et sociaux.
C’est de leur faute car c’est leur stratégie politique. Mais il y a des choses qui sont de notre responsabilité.
Il est de notre responsabilité de n’avoir pas réussi à construire un mouvement antifasciste efficace face à la possibilité du fascisme. Il est de notre responsabilité de n’avoir pas pris la mesure de ces 20 années depuis le 21 avril 2002. Il est de ta responsabilité d’avoir fait le choix de ne pas avoir voter Mélenchon le 10 avril 2022. Car, camarade antifasciste du second tour, il y avait un bulletin antifasciste au premier tour, et tu le savais très bien puisque tu as essayé de le disqualifier, c’est celui de Mélenchon. D’ailleurs, tu as « voté pour tes convictions », pas par antifascisme. D’ailleurs, tu détestes le vote utile, faisant mine de ne pas voir que ce vote était un vote utile de classe et antifasciste.
Et, tu sais quoi, je ne t’en veux pas, puisque ce n’est pas de ta faute. Par contre, je ne te comprends pas car c’est de ta responsabilité.
Alors excuse-moi d’être un peu franc lorsque tu viens que me voir pour que je sois responsable et que tu insistes pour je hurle dans tous les coins « Je suis antifasciste, donc je vote Macron, je suis antifasciste donc je vote Macron ! » : faut me lâcher là et plutôt que de passer ton temps à essayer de me faire voter Macron, essaye de retrouver ton manuel antifasciste pour les nuls.
Je suis fier d’avoir participé à cette campagne de l’Union Populaire pour porter un programme qui est celui qui répond le mieux aux urgences sociales et écologiques, et je suis fier d’avoir porté le seul bulletin de vote antifasciste (le fameux vote utile de classe et antifasciste, j’insiste). Et, je vais te dire, j’ai écouté avec attention ce qui se disait dans les très longues files d’attente devant les bureaux de vote dans les quartiers populaires : ce bulletin de vote était bel et bien un bulletin de vote de classe et antifasciste (j’insiste encore).
Tu n’as pas fait ce choix. J’entends même que tu ouvres une sorte de compétition de celle ou celui qui est la· le plus antifasciste. Et tu trouves qu’avec ton vote Macron tu me bats haut la main.
Ce serait rigolo si c’était drôle.
Figures-toi que moi, là tout de suite, je suis triste et inquiet de voir que pour la troisième fois en 20 ans, la deuxième fois en 5 ans, nous avons un scénario mortifère qui pouvait être évité. Car, vois-tu, dès le premier tour (sous entendu je n’attends pas le second tour, je précise, hein, comme il faut tout préciser), je ne mettais pas un signe d’égalité entre la candidate néo-fasciste et son compère fasciste pur, et Macron. En conséquence de quoi, évidemment, je partage la position exprimée dimanche par Mélenchon et les dirigeant· es de l’Union populaire : aucune voix ne doit aller à Marine Le Pen. Je répète aussi car visiblement ce n’est pas clair : aucune voix ne doit aller à Marine Le Pen. Attends je ne suis pas clair : aucune voix ne doit aller à Marine Le Pen. Zut, je manque de clarté : aucune voix ne doit aller à Marine Le Pen.
Et en conséquence de quoi j’insiste (promis, c’est la dernière fois) ! Le vote Mélenchon était un vote utile de classe et antifasciste.
Bon, une fois que je suis clair, je fais quoi ? ( ça va je suis clair ?).
Et ben, attends tu vas voir c’est dingue et c’est même quasi révolutionnaire : je discute, je participe à des débats, avec mes camarades, avec les gens, avec toutes celles et ceux qui pensent que la situation est très sérieuse. Je vais même te dire un truc encore plus dingue : je crois que surtout dans une telle situation la réponse doit être trouvée collectivement et pas dans un message personnel sur Facebook ( je t’avais bien dis que c’était dingue). Je lis par exemple ceci de la part de mes camarades d’Ensemble Insoumis·es concernant ce second tour :
Pour le second tour, nous ne mettons pas de signe d’égalité entre la candidate néo-fasciste et Macron. Aussi, nous partageons la position exprimée dimanche par Jean-Luc Mélenchon et les dirigeants de l’Union Populaire sur les plateaux de télévision : aucune voix ne doit aller à Marine Le Pen, dont l’élection serait une catastrophe pour le pays. Le Pen, c’est Macron, plus le racisme et les discriminations contre les femmes, les populations issues de l’immigration.
Force est néanmoins de constater que Macron, qui ose encore se présenter comme un rempart face à l’extrême-droite, lui fait en réalité la courte échelle en semant colère et désespoir avec sa politique au service des puissants. En 2017, il a utilisé les voix qui s’étaient portées sur son nom pour s’opposer à Le Pen comme si c’était des soutiens à la politique catastrophique qu’il a conduite. C’était une entourloupe, conforme à son arrogance et à ses vues ultra libérales profondes. S’il veut convaincre que c’est utile de voter pour lui, il ferait mieux de commencer par renoncer à la retraite à 65 ans.
Alors, moi, camarade antifasciste du second tour, j’ai envie de te dire que ce que je vois c’est beaucoup de jolies choses, y compris depuis dimanche. Que des gens rejoignent l’Union Populaire depuis dimanche. Que la dynamique de lutte est là. Tu peux, si tu veux, ressasser les mêmes rengaines tous les 5 ans, mais n’oublie pas de venir sur le terrain, ça te feras du bien, il y a de la joie militante. Il y a de la joie antifasciste.
Je te souhaite un bon quinquennat et j’espère que lorsque tu auras retrouvé un peu de joie et de volonté de combat pour nos idées tu sauras nous rejoindre.
« Bon, sinon tu votes Macron ou pas le 24 avril ? »
Tu sais quoi : la réponse à cette question, mes camarades la connaissent. Je n’ai a priori aucune raison sérieuse de la donner à des camarades qui peuvent imaginer que je puisse abandonner le combat antifasciste.
Bisous antifascistes.
Matthieu Brabant