Notre entrée depuis de nombreuses années dans une crise systémique prolongée compte de multiples facettes, économique, sociale, géopolitique et écologique. Cette situation n’est en rien maîtrisée par les classes dominantes. Leur incapacité se traduit entre autres par une crise démocratique avec des périodes de très fortes abstentions aux élections et un fossé grandissant entre les détenteurs·trices d’autorité et une partie importante de la société.
L’idéologie néolibérale est en crise, mais toujours hégémonique. Il devient évident que le capitalisme place l’humanité et son environnement en situation de péril croissant. Le développement d’alternatives solidaires reste étranglé par une emprise toujours plus régressive et répressive. Un horizon commun de rupture avec le capitalisme et le productivisme existe, des luttes et des initiatives le portent, mais ses forces sont éparpillées, isolées, rendues peu audibles par la polarisation d’une large frange du champ politique autour des questions migratoires et sécuritaires, pour mieux cacher leurs convergences économiques et sociales.
La crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID19 avec son cortège de mensonges d’État (ex. les masques) a accentué la perte de confiance vis à vis de la classe dominante, mais aussi plus largement envers tous ceux ou celles qui disposent d’un pouvoir institutionnel
Les réponses des classes dominantes à cette situation sont donc à la fois convergentes dans leur soumission à l’ordre néolibéral du monde et la restriction des libertés publiques, et diverses dans leurs applications. Ces réponses, dont le néolibéralisme décomplexé et autoritaire type Macron, se situent entre deux grands pôles stratégiques : le premier pourrait être qualifiée de durcissement néo-fasciste (Bolsonaro ou en France Le Pen et Zemmour) et le second de pause social-libérale (Biden ou dans sa version plus poussée avec l’Etat espagnol).
En face, la colère est forte et des mobilisations s’expriment de plus en plus souvent en dehors des cadres syndicaux et institutionnels traditionnels. Bien que de nature en grande partie différentes, les mobilisations des gilets jaunes ou celles contre le passe sanitaire en sont une illustration. Ces mobilisations sont encore plus qu’avant traversées de nombreuses contradictions et dans la rue des militantes et militants de la gauche côtoient parfois un électorat d’extrême droite. L’absence de cadre organisationnel renforce le caractère spontané, mais aussi la dimension éphémère de ces mobilisations. La crise sanitaire a paradoxalement accru ces tendances tout en anesthésiant une partie de la contestation organisée. Une sortie de la crise sanitaire pourrait libérer les potentialités de mobilisation comme nous en avons vu les prémisses le 5 octobre. Mais celles-ci demeurent trop limitées pour inverser les rapports de force et pour être motrices dans une recomposition politique d’une « gauche de gauche ».
Dans cette période, le risque d’une solution néofasciste en France est réel. Notre tâche est de combattre frontalement sur le plan idéologique et politique cette extrême droite, et de la faire reculer sur les questions de sexisme, d’homophobie, de racisme et en particulier d’islamophobie. Un combat qui doit inclure les secteurs de la population fragilisés et déclassés, lâchés par la bourgeoisie néolibérale, et qui sont amenés à voir en toute revendication de droits égaux une concurrence pour ce qui leur reste.
Face à une extrême-droite qui est plus que jamais la roue de secours du capitalisme, nous devons opposer avec force nos convictions d’égalité réelle et d’intérêt général, et nos perspectives de justice sociale et écologique. Un combat difficile à mener avec ceux qui à gauche font de plus en plus de concessions à cette idéologie réactionnaire et raciste.
La seconde tâche est aussi de combattre l’illusion d’une solution sociale-démocrate plus ou moins verte (Hidalgo ou Jadot). Rappelons qu’à chaque fois l’extrême droite est parvenue au second tour après des gouvernements sociaux-démocrates qui n’avaient notamment pas répondu aux attentes des classes populaires. Une éventuelle « pause sociale-libérale » n’est pas une solution à la hauteur des enjeux. Même si c’est un paradoxe, car comme il l’a encore menée dans son allocution du 9 novembre, il est davantage le 6ème candidat de la primaire de la droite qu’un candidat de gauche, Emmanuel Macron occupe encore en partie l’espace de l’ex social-démocratie convertie au social-liberalisme en même temps qu’il capitalise à droite. Dans ce contexte, seule une rupture avec les dogmes et l’ordre politique neo-libéral peut ancrer un projet alternatif s’appuyant sur des idées largement partagées dans les classes populaires (retraites à 60 ans, augmentation de salaires, baisse du temps de travail…) et permettre de rendre crédible une politique à la hauteur des enjeux écologiques et sociaux avec pour objectif immédiat de renouer avec la dynamique de 2017.
Il serait politiquement suicidaire de faire l’impasse sur l’élection présidentielle de 2022. Vue l’importance de cette élection dans le système hyper-présidentiel, elle mobilisera politiquement encore une fois la population et déterminera une partie des rapports de force institutionnelle et politique dans les années à venir.
La situation pour la présidentielle est encore très ouverte, d’autant plus qu’il n’est pas acquis que Macron conserve son socle et que Zemmour est susceptible de prendre des voix à la droite et à l’extrême droite. D’autre part, les exigences de justice sociale et de justice climatique peuvent monter en puissance avec la vie chère et les dérèglements climatiques. Parmi les candidatures, celle de Jean Luc Mélenchon qui porte un projet de rupture avec le néolibéralisme en défendant un programme social ambitieux (hausse du SMIC, retraite à 60 ans, réduction du temps de travail) et une bifurcation écologique forte, est la mieux placée pour franchir la barre des 10 %. Cette campagne est la seule, à même de combattre à large échelle le poison des idées de droite et d’extrême droite et susceptible de maintenir une position forte de la gauche de transformation sociale et écologique au sein de la gauche. Il est donc absolument indispensable de participer à la dynamique de l’Union Populaire partout où c’est possible : les groupes d’appui, les groupes thématiques, les équipes d’animation de la campagne.
Le résultat de la consultation des adhérents et adhérentes de Ensemble ! sur les élections de 2022 est de ce point de vue très décevant car il place Ensemble ! de facto en position de spectateur d’une campagne décisive. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire et nous appelons celles et ceux qui ont voté en faveur d’une campagne active en soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon à s’organiser pour la mener.
Mais nous l’avons vu en 2017, une campagne présidentielle dynamique et un score inespéré pour notre camp social (près de 20 %) ne se traduisent pas mécaniquement dans une construction durable. La France Insoumise en tant qu’organisation a échoué à construire une force politique plurielle et démocratique, dans laquelle pourrait se retrouver tou.tes les militant.es d’une « gauche écosocialiste ». Il nous faut donc préparer une recomposition politique qui permette de reconstituer un rapport de force à même de porter un coup d’arrêt aux politiques libérales et d’enclencher une véritable transformation de la société, en rassemblant toute la gauche antilibérale et écologiste. Elle ne se fera pas sans un bon score de Jean Luc Mélenchon qui traduira la force d’une gauche de rupture avec l’ordre néolibéral et conditionnera aussi la représentation parlementaire. Sur ce socle politique, nous devons défendre l’unité la plus large aux législatives, et assurer que la « gauche de gauche », dans sa diversité et de façon conforme aux rapports de force électoraux, soit la mieux représentée possible au Parlement, notamment grâce à des accords de répartition.
Dès maintenant, Ensemble Insoumise doit avoir pour horizon de proposer à tous les partenaires du champ de la gauche de transformation sociale et écologique un processus de fondation d’une nouvelle force politique large, pluraliste et démocratique. En fonction de la situation qui résultera de la présidentielle, on mesurera les possibilités de concrétisation de cette orientation. Mais sans attendre, nous mènerons la discussion avec tous les partenaires de l’arc politique concerné.
Cette force devra avoir comme objectif d’être :
- Une formation unifiée de la gauche de transformation sociale et écologique
- Une organisation de masse porteuse d’un projet rassembleur permettant de lutter avec efficacité, dans la rue et dans les urnes, pour la transformation écologique, sociale et démocratique de la société.
- Une organisation au sein de laquelle peuvent exister des courants issus de l’extrême gauche, de la gauche radicale ou de l’écologie politique, dont le nôtre, qui se distingue par la défense d’un projet de rupture révolutionnaire et écosocialiste.
Tout en ayant cette perspective, Ensemble Insoumise avance dans la construction d’un courant organisé, avec la volonté de recruter largement. Notre courant politique vise à donner un cadre à tous et toutes les militant.es anticapitalistes qui entendent lutter pour la transformation révolutionnaire de la société et pour l’écosocialisme. Même de façon encore modeste, des forces existent pour cela :
- des militantes et militants venu·es d’Ensemble, de la tradition écologiste, communiste, féministe ou anticapitaliste ;
- des militantes et militants qui se consacrent aujourd’hui essentiellement à l’animation du mouvement associatif, autogestionnaire ou syndical ;
- des militantes et militants de la France Insoumise qui sont conscient·es des limites d’un mouvement gazeux et sont en recherche d’un cadre d’organisation pluraliste permettant d’avoir des discussions politiques.
Nous pouvons commencer à regrouper autour des tâches suivantes :
– Construire dans l’immédiat un courant organisé dont les orientations sont décidées par les adhérent·es qui produit une orientation politique (résolutions et motions permettant l’action et la prise de position publiques, animation de la vie interne…) et qui se dotent d’une équipe d’animation qui se réunit régulièrement,
– Alimenter le site internet existant et réaliser fréquemment des communiqués de presse
– Proposer des formations et des débats aux militant·es d’EI, mais aussi plus largement aux collectifs militants dans lesquels nous intervenons.
– Faire le lien avec les autres organisations du mouvement ouvrier partis, associations ou syndicats et intervenir dans des fronts larges sociales et politiques (du type « Plus jamais ça »)
– Participer à l’activité de la France Insoumise et de l’Union Populaire en construisant les groupes d’appuis locaux, en participant aux groupes thématiques nationaux, et en étant représentés es qualité au sein du parlement de l’Union Populaire.
– Préparer les législatives en listant nos candidat·es, en entamant un dialogue avec le comité électoral de la FI, en participant aux assemblées de circonscriptions de la France insoumise qui vont se réunir à partir du 15 novembre 2021 et en proposant le cadre le plus large possible pour faire campagne.
– Impulser, participer à l’ouverture et l’animation de lieu « pluriel », de convergence entre les forces sociales, écologiques et associatives (comme la Carmagnole à Montpellier par exemple).
Adoptée par la réunion nationale du 11/12/22.