Les indépendantistes (ERC / Junts & Cat / CUP) renforcent leur majorité
Comme attendu du fait de la crise sanitaire mais aussi de la démobilisation d’une partie de l’électorat, lassée par les divisions du camp indépendantiste et qui subit de plein fouet la crise économique, ces élections ont été marquées par un taux important d’abstention : seuls 53,5 % (– 25,6% par rapport à 2017) des électeur.trice.s se sont exprimé.e.s.
Le premier enseignement : malgré la forte et scandaleuse répression maintenue contre le camp indépendantiste et la désinformation sur ses aspirations à une « République catalane », ce sont les forces indépendantistes qui sortent vainqueurs de ces élections du 14 février. Celles précisément qui avaient organisé le référendum « pour le droit de décider » de leur souveraineté le 1er octobre 2017.
Pour la première fois, si on ajoute les voix de PDeCat, qui n’a pas obtenu d’élu.e.s, elles atteignent un score qui dépasse les 50 % (contre 47,5 % en 2017) et renforcent leur majorité au Parlement avec 74 sièges. Si l’on ajoute les voix des formations favorables à l’organisation d’un référendum, on atteint 57,6%.
L’ERC (Gauche républicaine de Catalogne)d’Oriol Junqueras (toujours prisonnier politique et député européen) obtient 33 sièges et 21,3 % des voix, dépassant pour la première fois de peu le centre-droit indépendantiste Junts & Cat de Carles Puigdemont (toujours réfugié politique en Belgique et député européen) : 32 sièges et 20,06 % des voix. La gauche indépendantiste anticapitaliste de la Candidatura d’unitat popular (CUP) dispose de 9 député.e.s et avec un score de 6,68 % progresse de 50 % par rapport au scrutin de 2017.
Les Comuns (Unidas Podemos), partisans du « droit de décider » se maintiennent. Le PSC se renforce mais perd son pari de gouverner
Catalunya en Comú, qui se déclare favorable à un référendum, perd des voix (6,86 %) mais conserve ses 8 député.e.s. Le PSC (Parti socialiste de Catalunya) progresse fortement, notamment en récupérant une partie de l’électorat populaire de Barcelone qui avait pu voter Ciudadanos, et obtient 23,02 % des voix et 33 députés. Le PSOE, qui dirige le gouvernement national avec le soutien de Unidas Podemos, avait parachuté son ex-ministre de la Santé, Salvador Illa, pour provoquer une recomposition visant à affaiblir le camp indépendantiste et à refaire voire à élargir avec ERC, partisan du dialogue, la coalition qui gouverne à Madrid, mais il a échoué dans le pari de diriger le futur gouvernement catalan.
L’ensemble des gauches, (PSC / ERC / ECP /CUP) si l’on accepte d’y inclure les voix recueillies par le PSC,(vu par beaucoup comme le parti unioniste du « 155 » qui pactise avec la droite), représentent 57,9% des suffrages et obtiennent 83 sièges. Ces forces n’avaient jamais obtenu une représentation aussi importante au Parlement catalan.
La droite s’effondre au profit de l’extrême droite fasciste
Le parti prétendument « centriste » Ciudadanos, cher à Manuel Valls, s’effondre avec 5,57% (– 20%) et 6 députés (– 30), conséquence de sa trajectoire de plus en plus droitière. Il rejoint la voie de la marginalisation du Parti populaire (PP), qui poursuit sa chute avec 3,85 % de voix et 3 députés. Ce fort recul de la droite décomplexée profite cependant au parti d’extrême droite profranquiste, raciste et xénophobe, Vox, qui fait son entrée au Parlement catalan pour la première fois avec 7,69 % des voix et constitue un vrai danger. Cette formation a capté une partie de l’électorat très à droite qui avait voté pour Ciudadanos précédemment mais mord aussi sur l’électorat de certains quartiers populaires.
La droite n’a jamais été aussi minoritaire au Parlement catalan, même si le glissement d‘une partie de son électorat traditionnel vers Vox est inquiétante.
Le contexte de crises et de répression exige des changements politiques et une solidarité concrète
Ces élections interviennent dans un contexte de fortes crises entremêlées en Catalogne et dans l’État espagnol : pandémie du Covid-19, chômage, précarité et crise du régime monarchique hérité de la « transition » de 1978. Elles sont le fruit des politiques d’austérité néolibérales qui ont frappé – et sévissent encore dans le contexte de la pandémie – tous les peuples de l’Etat espagnol et d’Europe.
Sans oublier la monarchie corrompue et les pratiques mafieuses qui trône à Madrid : des militant.e.s catalan.e.s sont en prison alors que Juan Carlos ,lui, vit bon train, protégé par les partis du système ( PSOE,PP, Ciudadanos et Vox).
Un futur gouvernement des forces se reconnaissant dans le projet d’une République catalane devrait être clair quant aux réponses à apporter à la crise économique et sociale (ce que la majorité ERC/Junts n’a pas fait lors de la précédente mandature), à travers un plan d’urgence en direction des classes populaires. En effet, le taux de chômage de la Catalogne a augmenté de 29,1 %, touchant 13,9 % de la population active. C’est la plus forte hausse de l’Etat Espagnol, le chômage des jeunes frôle les 28 %. Ce futur gouvernement doit poursuivre son combat pour le « droit de décider » (autodétermination) et contre la répression de l’État espagnol.
L’arrestation violente, dès le lendemain du scrutin, du rappeur Pablo Hasèl est le dernier exemple de la répression politique. C’est toujours le Tribunal suprême qui est à la manœuvre, remettant aussi en cause la liberté conditionnelle dont disposaient les prisonniers politiques pour ces élections. Ce « gouvernement caché » des juges de Madrid entend ainsi faire pression et peser sur le futur politique de la Catalogne.
Le silence des autorités françaises et de l’Union européenne est assourdissant .Cela au moment où se discute la demande de levée d’immunité parlementaire des eurodéputés catalans persécutés, et bien que la Cour de justice européenne ait commencé à reconnaître que les droits humains et politiques des protagonistes du référendum du 1er octobre 2017 auraient été bafoués. L’émotion qu’a suscité l’emprisonnement du jeune artiste dans tout l’État espagnol (manifestations de masse et violents affrontements avec la police, pétition pour sa libération de 200 artistes, dont Javier Bardem et Pedro Almodovar), appelle notre solidarité.
Ensemble ! s’inscrit dans le mouvement de solidarité avec le peuple catalan qui exige :
⁃ – la libération du rappeur Pablo Hasèl et des 11 autres artistes emprisonnés ou exilés (dont le jeune Valtonyc) muselés dans leur liberté d’expression ;
⁃ – l’arrêt des persécutions judiciaires contre toutes celles et tous ceux qui avaient participé au référendum du 1er octobre 2017 et à toutes les manifestations qui se sont succédé depuis trois ans ;
⁃ la libération et leur amnistie totale pour les 9 prisonniers et prisonnières politiques catalan.e.s embastillé.e.s à la suite d’un jugement inique les condamnant à des peines de 9 à 13 ans de prison pour délit d’opinion
– le respect du droit du peuple catalan à décider de son avenir, c’est-à-dire l’autodétermination.
Ensemble ! participe à la Coordination des collectifs de solidarité avec la Catalogne et s’associe à toutes ses initiatives au niveau local, national et européen.
Communiqué national d’Ensemble !