Les élections présidentielles ont été marquées par la crise pandémique et par l’agressivité de l’ultra droite.
La direction nationale du Bloco de Esquerda salue la disponibilité et l’engagement de Marisa Matias et prend acte de l’importance d’une campagne socialiste, féministe, antiraciste et écologiste, dans l’affirmation d’une réponse à la crise et du combat contre l’agressivité de l’ultradroite. Marisa a mené une campagne courageuse et probante, dont les résultats n’ont pas été à la mesure de l’impact réel de sa candidature et de ses objectifs.
Sous la crise pandémique qui a fait passer au second plan la visibilité de la campagne, il a été plus difficile d’expliquer les blocages que la présidence de Marcelo Rebelo de Sousa1 opère, qu’il s’agisse de la pression de la troïka sur le code du travail, de la protection des groupes privés dans le domaine de la santé, ou de son accord avec le programme européen de concentration bancaire payée par les pays de la périphérie de l’euro. Bien au contraire, des années du Machin2 ont fait voir Marcelo comme un garant de la stabilité. La confrontation avec Ventura a donné au président en fonction l’image de barrage à la montée de l’ultradroite.
À cette victoire aisée dès le premier tour ont contribué les électeurs les plus modérés de la droite, mais surtout ceux du Parti Socialiste et même de la gauche. Les résultats d’Ana Gomes3 (une deuxième place très en deçà de celle qu’avait obtenu Sampaio da Nóvoa il y a cinq ans) et ceux de João Ferreira (au niveau d’Edgar Silva) confirment également cette lecture. Ces résultats, de même que les études et sondages publiés indiquent qu’un bon nombre de personnes qui dimanche se sont déclarées électeurs.trices du Bloco ont choisi de voter Marcelo Rebelo de Sousa. Dans ces circonstances de polarisation, João Ferreira, qui avait proclamé son espoir de gagner des voix de secteurs socialistes, a été loin de faire plein des voix du PCP. Sans surprise, en règle générale les électeurs du PS, qui s’étaient surtout mobilisés sur la candidature de Sampaio da Nóvoa4, cette fois-ci concentrent leurs votes sur la réélection du président. Ana Gomes, qui a cherché à exploiter les tensions internes au PS, a capté une toute petite partie de l’électorat de son parti. Cela a déçu les espoirs de ceux qui, en particulier au PS, attendaient de ces présidentielles un referendum populaire, d’approbation ou de sanction, à propos des différentes positions à gauche sur la question du budget de l’État pour 2021.
Les élections présidentielles confirment aussi la reconfiguration de la droite. Avec le CDS5 vidé de sa substance et le PSD en recul, les secteurs les plus réactionnaires de ces partis se regroupent autour d’André Ventura6, lui-même issu du PSD. Ventura va chercher, dans une stratégie à la Trump, à profiter cet accroissement de visibilité pour attirer vers son projet des secteurs populaires appauvris et déçus par le gouvernement, aussi bien que des secteurs de la bourgeoisie qui aspirent à l’écrasement des droits sociaux. Mais le prétendu parti « antisystème » a déjà fait la clarté sur ce qui va arriver, annonçant des fiançailles avec le PSD pour des places au pouvoir. Le soir des élections, Rui Rio7 a répondu à ces avances en admettant que le projet de pouvoir du PSD passe par Chega. Mais la droite est loin d’avoir une majorité qui lui donne accès à une position décisive. Tout au contraire, en essayant de normaliser Chega, le PSD se limite au bastion électoral qui accepterait la perspective d’un gouvernement avec l’extrême-droite, en offrant à António Costa8 la représentation du centre politique. Loin de montrer un système politique en crise, les résultats des élections présidentielles montrent une reconfiguration de la droite traditionnelle, à laquelle s’associent les projets de pouvoir de ses deux plus grands partis.
Dans ce contexte, le Bloco de Esquerda souligne que la crise qu’il importe prioritairement de combattre est la crise pandémique et sociale. Le combat contre l’extrême-droite ne saurait faciliter son occupation du centre du débat politique. Seule l’affirmation d’alternatives à gauche et des réponses exigeantes face à la crise pourra reléguer l’extrémisme à l’espace marginal qui doit être le sien.
La priorité du Bloco est la réponse à la crise dans la santé, le travail, l’économie et la société
Le Portugal a enregistré les premiers cas de Covid il y a presque un an et atteint maintenant la période la plus critique de la pandémie. La pression sur le Service National de Santé et la crise sociale et économique prennent un tour plus aigu. La crise pandémique n’est pas un soubresaut temporaire ; le péril sanitaire se prolonge et ses effets seront structurels.
Le Bloco affirme une réponse de gauche à la crise et met au défi le gouvernement sur les questions centrales de notre temps : le renforcement du Service National de Santé, la réponse à la crise sociale et l’investissement pour la reprise de l’emploi et de l’économie. Ce sont ces mesures-là, que le gouvernement a exclues du Budget pour 2021, qui sont toujours prioritaires pour le Portugal.
La réquisition du secteur social et privé, plaçant toute la capacité installée de soins sous la tutelle et l’organisation du SNS, est essentielle pour augmenter la capacité de riposte en soins prioritaires, Covid et non-Covid, de manière à favoriser la capacité de réponse dans les urgences. Cette intégration des professionnels et des moyens disponibles doit être accompagnée du renforcement de l’investissement et de la valorisation des carrières dans le SNS. Si ce n’est pas fait, les dommages que la pandémie a causés au SNS ne seront pas réparés et conduiront à la dégradation irréversible du SNS. Tel est le plan des groupes privés dans la Santé, qui cherchent à se préserver, dans l’espoir d’arriver à absorber une bonne partie des capacités actuelles du SNS et de leur financement.
Le manque d’investissement et l’absence de solutions aux problèmes structurels de l’École publique caractérisent aussi la faiblesse de la réponse à la pandémie. Le retour à l’enseignement à distance pour un temps indéfini n’a pas été préparé par le gouvernement, qui en est toujours à la promesse de distribuer des ordinateurs, ce qui menace d’aggraver les inégalités.
La combinaison entre la fermeture des équipements sociaux, l’absence de soutien aux soignantes informelles et la fragilité des services publics pénalise les femmes d’une manière disproportionnée. Les femmes partent face à toute situation de crise en position désavantagée ; elles gagnent moins et sont moins précaires, mais ce sont elles qui sont majoritaires sur la ligne de front du combat contre la Covid-19 et dans les secteurs d’activité les plus touchés par la crise. La vie commune permanente entre agresseurs et victimes a offert des conditions idéales aux premiers pour reprendre le contrôle et a réduit les possibilités de porter plainte et d’appeler à l’aide. Les données de l’étude la plus récente révèlent une réalité encore plus dévastatrice : 34 % des victimes ont subi la violence domestique pour la première fois pendant la pandémie.
Les habitants des banlieues et les personnes migrantes et racisées sont exposées de manière disproportionnée à la crise et subissent plus gravement ses effets. Les mesures de combat contre la crise doivent prendre en compte les inégalités structurelles.
Les aides sociales, la protection de l’emploi et le renforcement des services publics essentiels sont au cœur de la promotion de la cohésion sociale et territoriale et la protection contre la pauvreté. Ces derniers mois ont aggravé les effets de la précarité : faute de protection de leur emploi, de larges couches font face à la tempête économique et sociale en restant à l’écart de la prolongation des allocations chômage, en se trouvant exclues des aides extraordinaires du fait des conditions de ressources, ou en touchant des aides très inférieures au seuil de pauvreté. La justesse des critiques du Bloco contre les reculs du Budget de l’État dans le domaine de la protection sociale est aujourd’hui évidente. Le renforcement immédiat des aides sociales, et la nécessité d’une nouvelle ambition dans la protection sociale, avec des aides plus étendues et des montants supérieurs au seuil de pauvreté, voilà une exigence fondamentale pour notre pays et pour la gauche.
Les difficultés de notre pays sont aggravées par la faiblesse de la réponse à la crise. Nous nous trouvons aujourd’hui parmi les pays européens les plus blessés par la pandémie mais aussi parmi ceux qui investissent le moins dans la réponse à la crise. Le déficit de 2020 a été inférieur aux prévisions parce que le gouvernement, face à la crise, a choisi de ne pas exécuter 3500 millions d’euros de dépenses budgétées pour 2020. Ce choix est scandaleux face aux effets de la crise et à la faiblesse des montants des aides décidées en 2020 pour 2021. La restriction budgétaire est aujourd’hui une énorme imprudence : la faiblesse de l’investissement accentue la dynamique de la crise et retarde et rend plus difficile la reprise de l’économie.
Mobilisation, débat et organisation en temps de pandémie
Le Bloco a adapté son activité aux conditions exigées par la protection de la santé publique, mais cette adaptation ne signifie pas moins d’activité ou moins de participation des adhérents.
La direction nationale lancera dans toutes les organisations locales des assemblées générales d’adhérents pour faire le bilan des élections présidentielles et débattre les priorités d’intervention du Bloco dans le cadre politique actuel.
La direction nationale convoque le débat sur la stratégie et les priorités pour les élections locales, et délègue à la Commission Politique l’organisation d’une Conférence sur les locales qui aura lieu le mois prochain.
La direction nationale décide aussi de lancer une campagne de nouvelles adhésions. Au cours de la campagne des présidentielles, nombreux sont ceux et celles qui ont décidé d’adhérer au Bloco. Ce mouvement de renforcement peut et doit s’élargir.
Toutes les initiatives, y compris la préparation et le déroulement de la Convention Nationale, doivent être adaptées pour protéger la santé publique.
Le Bloco de Esquerda salue le vote, par le Parlement, de la dépénalisation de la mort assistée. Contre les campagnes de la peur et du fondamentalisme, un vaste mouvement d’unité pour la tolérance et pour le respect des droits de chacun a su triompher au Parlement et, plus que cela, gagner la grande majorité de la société portugaise à cette cause. Tout au long, le rôle de João Semedo9 a été fondamental. Sa lutte exemplaire montre la voie à toutes les luttes où le Bloco s’engage.
Le 30 janvier 2021
Résultats de l’élection 2021
Abstention 60,76 %
Marcelo Rebelo de Sousa 60,70%
Ana Gomes 12,97%
André Ventura 11,90%
João Ferreira 4,32%
Marisa Matias 3,95%
Tiago Mayan Gonçalves 3,22%
Vitorino Silva 2,94%
Résultats de l’élection 2016
Abstention 51, 34 %
Marcelo Rebelo de Sousa 52.00%
Sampaio da Nóvoa 22,88%
Marisa Matias 10,12 %
Maria de Belém 4,24 %
Edgar Silva 3,95 %
Vitorino Silva 3,28 %
Paulo de Morais 2,16 %
1 Président de la République depuis 2016, ancien membre du PSD (centre droit) ; le PS n’avait pas présenté de candidat contre lui.
2 On désigne par Machin (geringonça) le gouvernement minoritaire du PS soutenu de manière informelle par le PC et le Bloco.
3 Dirigeante du PS, qui s’est présentée sans appui de son parti.
4 Candidat de centre gauche en 2016.
5 Parti historique de la droite, réduit à 4,25 % aux législatives de 2019.
6 Candidat pour le nouveau parti d’extrême-droite Chega ! (Ras-le-bol !)
7 président du PSD.
8 Premier ministre PS.
9 ancien dirigeant et député du Bloco, décédé en 2018, cofondateur du mouvement « droit à mourir dans la dignité ».