« Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées » a déclaré en début de semaine le chef de l’état.
Comment doit-on interpréter les propos d’Emmanuel Macron ? Doit on s’en inquiéter ? il faut plus que jamais aujourd’hui se demander ce que signifie cette déclaration et ce qui peut en découler.
Ces propos peuvent entrer en résonance avec le projet de loi d’urgence lié au coronavirus, présenté à l’assemblée jeudi 19 mars, et du coup légitimer notre inquiétude.
D’abord ce projet de loi autorisera le gouvernement à légiférer au sujet d’une certain nombre de domaines plus que sensibles : le droit aux congés payés, au repos hebdomadaire, les 35 heures par exemple. Une paille donc !
Le danger est bien là : s’agit-il, au nom de la crise sanitaire, de revenir sur des droits fondamentaux, de continuer à détruire les droits sociaux ?
Ce n’est ni un fantasme ni une interprétation, il s’agit bien du texte proposé tel quel, dans l’article 17 : « modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail ».
Ces mesures seraient « provisoires » mais il n’est pas indiqué de date limite. On peut se demander si au nom des conséquences de la crise, une fois celle-ci passée, il ne sera pas imposer « un provisoire qui dure ».
Une situation de plus en plus difficile pour une bonne partie des salarié-e-s
Or d’un point de vue économique et social, les salarié-e-s sont autant que les autres catégories socio-professionnelles (entrepreneurs, professions libérales et indépendants ) victimes de la crise sanitaire que nous vivons. Si on rajoute les mesures citées ci-dessus qui vont s’imposer à eux, c’est la double peine.
De nombreuses voix s’élèvent parmi les travailleurs-ses pour dénoncer les conditions dans lesquelles ces derniers sont obligés de travailler. Les hommes et les femmes à la production, dans les transports, les manutentionnaires dans l’alimentaire, les caissières, et surtout tous les soignant-e-s sont plus exposé-e-s au virus que ceux et celles confiné-e-s ou en télétravail. Il faut entendre ce cri de colère devant ce que certains et certaines ressentent comme une injustice ou comme « un 36 poids, 36 mesures ». Et ce d’autant que les mesures « barrière » élémentaires ne sont pas respectées quand manquent gel hydroalcooliques, savons, masques, quand on maintient ouvertes des entreprises dont l’activité n’est pas essentielle pour le pays.
Serait-ce que le gouvernement répond aux sirènes du Medef, en exhortant nos concitoyen-n-e-s à aller travailler ?
Peut être bien. Il y a là un double discours et une double attitude insupportables :
– L’appel incessant à se confiner, avec des sanctions à la clé d’un côté, et le maintien d’activité sans lien avec la crise sanitaire de l’autre, dans des conditions bien souvent non conformes en terme de sécurité pour les salarié-e-s.
– la culpabilisation à outrance pour les « inconscient-e-s inciviques qui sortent » et le maintien absurde du premier tour des élections municipales. Comment ne pas penser à quel point cette décision politique irresponsable aura peut-être permis à l’épidémie de se propager ?
Le droit à la colère et le droit de revendiquer
Loin de moi l’idée de dénoncer les mesures prises de confinement ( peut être même prises trop tardivement ). Il ne s’agit pas d’entretenir une quelconque polémique. Mais de revendiquer le droit à la critique en tant que citoyenne consciente des dangers mais ayant le droit d’exiger des explications et de demander des comptes à ceux qui gouvernent.
Comment ne pas être atterrée devant le manque de masques, de gels au sein d’une des plus grande puissance économique mondiale !
Comment ne pas considérer un « retard à l’allumage », comment faire confiance après les déclarations de l’ex ministre de la santé, Agnès Buzyn ?
Si comme le dit l’exécutif, tout est fait pour ralentir l’épidémie et assurer la sécurité de l’ensemble de nos concitoyen-n-e-s, il faut prendre d’autres mesures qui s’imposent et écouter ceux et celles qui prennent des risques d’être contaminé-e-s au quotidien :
– tout d’abord mettre à l’abri les salarié-e-s dont le secteur d’activité n’est ni primordial ni essentiel dans le cadre de la crise du covid 19.
– Mettre tout en œuvre pour assurer la sécurité de ceux et celles travaillant dans des secteurs socialement utiles pour l’ensemble de la population : sécurité sanitaire avec les moyens adéquats, organisation du travail qui limite voire supprime promiscuité et contacts rapprochés quand cela est possible.
– Si des mesures ont été prises pour porter secours aux entreprises, d’autres doivent être obtenues en faveur des salarié-e-s en chômage technique. Le gouvernement doit s’engager à ce que leur soit verser intégralement leur salaire. Il n’est pas question non plus que des salarié-e-s se voient imposer de prendre dans cette période de confinement leurs congés payés. Rester chez soi, confiné-e-s, ne correspond nullement à l’idée qu’on se fait des vacances !
– Enfin si nous sommes « en guerre contre le virus » nous devons développer une « économie de guerre » contre celui-ci : soutenir et développer la production de masques, de gels, de respirateurs. c’est à l’état de l’organiser dans cette situation d’urgence.
Nous sommes bien loin de la fin de la crise, mais nous avons devant nos yeux les conséquences des politiques irresponsables, iniques et mortifères concernant le service public de santé et de la recherche depuis des décennies. Et ce ne sont pas les derniers propos de Mr Darmanin, ministre des comptes publics, qui peuvent nous rassurer ni rassurer les personnels de santé : la prise en compte des besoins n’est pas au rendez vous et pire l’annonce de 2 milliards dédiés aux arrêts maladie, aux masques et à la rémunération des personnels soignants, contre 45 consacrés aux conséquences économiques de la crise, est un affront supplémentaire aux soignant-e-s et à leurs exigences légitimes. Soyons soulagé-e-s, Darmanin a affirmé que les heures supplémentaires des soignant-e-s seront payées ! Sans rire, j’ai envie de dire, pour une fois !
C’est un vrai plan dans la santé qu’il faut annoncer dès à présent avec la hausse des rémunérations de tout le personnel et le développement d’un service public sur l’ensemble du territoire national, gratuit et accessible à tous et à toutes. Assez des fermetures de lits, de services et d’hôpitaux de proximité !
Nous saurons rappeler à Mr Macron « sa déclaration d’amour » aux services publics que ses politiques libérales ont contribué à détruire un peu plus ces trois dernières années.
Comme nous devons rappeler dès à présent à nos dirigeants que nous, la gauche politique et syndicale, le mouvement social largement mobilisé ces derniers mois, et tous ceux et celles qui aspirent à une autre société, que nous sommes présents et vigilant-e-s. Et que même si nous sommes pour l’instant empêchés de nous réunir, de manifester etc. nous saurons nous faire entendre.
Il faut encourager évidemment toutes les manifestations de soutien aux soignant-e-s qui donnent lieu à ces applaudissements le soir entre 19h et 20h. Mais à nous d’imaginer et de proposer des pistes pour faire entendre notre mécontentement et nos revendications, en utilisant les réseaux sociaux, les moyens de communication pour échanger, les pétitions à lancer en ligne, les démarches pour s’adresser aux différents ministères, économie, travail, à Matignon à l’Elysée, si ces derniers rognent encore nos droits sociaux ou n’agissent pas suffisamment dans l’intérêt de tous et toutes.
Nous ne sommes pas résigné-e-s, notre colère ne sera pas vaine. Et demain ne pourra plus être comme avant.
Myriam Martin