Après la flambée de violences de ces derniers jours à Gaza, un cessez-le-feu a été conclu entre Israël et les factions palestiniennes, selon ces dernières, après la mort de 25 Palestiniens et quatre civils en Israël. Il s’agit du pire bilan pour Gaza depuis 5 ans.
Le fait qu’il y ait des victimes des deux côtés de la frontière ne peut occulter une donnée structurelle : la cause fondamentale de ces violences est le siège de l’enclave de Gaza par l’Etat d’Israël. Les crimes de celui-ci ne se limitent pas aux meurtres commis par ses soldats sur des palestiniens même lorsqu’ils manifestent de manière pacifique comme lors de la grande marche du retour (195 morts). Ces crimes prennent également la forme de ce siège maintenant Gaza dans une situation proche du désastre humanitaire. Alors que la diplomatie Etats-Unienne est en osmose avec le criminel de guerre B.Netanyahou, de facto, les flambées de violences, les tirs de roquette, deviennent l’unique instrument pour tenter de négocier quelque chose face à un ennemi hésitant seulement sur la manière de détruire le peuple palestinien. Et les Gazaouis paient cela au prix fort, les bombardements israéliens, notamment par des drones, n’épargne personne -même les bébés de 14 mois telle que Sebba Mahmoud Abu Arar – dans l’une des zones les plus denses au monde. Il n’est donc pas possible, aujourd’hui comme hier, de tracer une ligne d’équivalence entre l’Etat d’Israël et le peuple palestinien. Notons que le dictateur sanguinaire égyptien, grand ami de la France qui lui fournit de l’armement, contribue à cette situation en limitant les entrées et sorties de Gaza.
Bien entendu, cette oppression touche d’abord le peuple palestinien en brûlant sa chaire et son violentant son esprit. Il est également vrai qu’une politique coloniale « décivilise » l’Europe et « l’ensauvage » comme l’écrivait Aimé Césaire, ce qui se traduit par la fascisation de la société israélienne, par un gouvernement d’extrême-droite, mais aussi par un parti d’opposition dont des leaders tel que Benny Gantz proclament leur fierté d’avoir ramené Gaza à l’âge de pierre lorsqu’il était chef d’état-major…
Toutefois, aujourd’hui, cette politique coloniale n’a pas des effets sur uniquement sur l’oppresseur colonial et l’opprimé colonisé. Elle en a aussi sur les sociétés tierces. Être informé de manière régulière que des territoires palestiniens ont été bombardés par Israël causant x nombre de mort-es porte le risque de rendre « normal » que des Palestiniens meurent et soient opprimés. Pour les masses les moins politisées, les officines de propagande sionistes cherchent à faire retomber cette situation sur l’opprimé, le Palestiniens. Ils parviennent plus généralement à obtenir une forme de désintérêt renvoyant dos à dos celui l’oppresseur et l’opprimé, l’habitude d’une « guerre » sans fin. Pour les plus politisés, le risque est grand qu’un soupir de regret pour les Palestiniens s’évapore dans un désert de résignation, que l’habitude s’installe aussi (avec une nuance d’indignation). Le risque est bien que nos yeux s’habituent à considérer que les cadavres des Palestiniens de 1 mois à 79 ans font partie du décor… Tout comme quelques kilomètres plus loin, il est désormais considéré comme faisant partie du décor que des Syriens meurent sous les barils de TNT du régime ou dans des geôles dont on ne sort jamais.
Ainsi, l’oppression coloniale brutale de l’Etat d’Israël nous corrompt aussi, tel un analgésique qui s’absorbe par les yeux, engourdit nos nerfs et nos cerveaux. S’habituer à une injustice d’une manière ou d’une autre, même en le regrettant, n’est ce pas à s’habituer un peu plus à toutes les injustices ?
Le concours de l’Eurovision, qui se tiendra le 18 mai prochain, sera un nouveau moment pour nous habituer à faire avec les victimes palestiniennes du crime de masse perpétré à quelques kilomètres de là. L’argument sur le fait que « tout cela n’est pas politique » ne sonnera jamais aussi faux. Et si nous condamnons les insultes homophobes dont il est l’objet, nous savons que Bilal Hassani, le candidat français à ce concours, ce pauvre tirailleur volontaire de la musique, participera lui aussi à cette opération de corruption en se prêtant à cette mascarade sordide.
Alors, il nous reste avant toute chose à ne pas habituer, à rester sur le pied de guerre, à continuer dénoncer à chaque fois et à appuyer les initiatives qui existent, notamment la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions.
Umit Cirak