L’élection du 2 décembre est une victoire pour les idées de droite. Le PSOE perd un bastion historique, baisse en voix et se retrouve avec 14 députés de moins. Adelante Andalucia, coalition de Podemos et de Izquierda Unida, unis pour cette élection contrairement à 2014, perd des voix et 3 députés. Il est évident que les 5 % de plus d’abstention viennent de l’électorat de gauche.
Le PP continue de manière significative à perdre des voix et des députés. Il représente 20,7 % , alors qu’il représentait 45,5 % en 2011. Il perd encore 7 députés.
Les deux forces montantes de cette élection sont Ciudadanos et Vox.
Ciudadanos représentait 9,2 % en 2015 avec 9 députés, ils sont aujourd’hui à 18,2 % et passent à 21 députés. Soit le double en pourcentage et 12 députés de plus ! Il est estimé que, bien sûr C’s a pris des voix au PP, mais aussi 100 000 voix au PSOE.
Vox entre en force avec un pourcentage de 10,9 et 12 députés. Il est à noter que les sondages prévoyaient au mieux un siège à Almeria.
Pour prendre le pouvoir en Andalousie, le PP et C’s ne peuvent gagner seuls.
Le Parlement andalou est composé de 109 député-es, la majorité nécessaire est de 55 députés.
Le nombre de députés PP ( 26) plus le nombre de députés de C’s ( 21) ne donnent que 47 alors que PSOE ( 33) plus AA ( 17) donne 50. Il manque au PP et à C’s 8 voix pour obtenir la majorité absolue, les députés de Vox sont indispensables pour faire basculer l’Andalousie à droite !
Le prix du soutien de Vox
Le Parti Populaire n’a aucun problème pour rencontrer et discuter officiellement avec Vox. Il est vrai qu’en tant qu’héritiers du franquisme, ce parti connait bien l’extrême droite. D’ailleurs, les dirigeants de Vox sont d’anciens responsables du PP, un côté famille les rapprochent. Il est des plus surprenants en France de voir que la presse semble voir avec Vox, l’arrivée de l’extrême droite dans l’état espagnol. Pourtant, il n’est pas difficile de trouver la place du Généralissime, l’avenue Primo de Rivera ou l’avenue de la Division Azul dans les grandes villes dirigées par le PP. De même, les fosses communes des républicains ne sont toujours pas ouvertes et un tortionnaire franquiste, connu et reconnu, dont le surnom est Billy el Nino vit librement. Nous pouvons espérer que la vision du film documentaire « Le silence des autres » de Almudena Carracedo et Robert Bahar (produit entre autres par les frères Almodovar) ouvrira les yeux de celles et ceux qui ne veulent pas voir la présence ancienne de l’extrême droite dans ce pays.
Le PP, à son plus haut niveau, négocie l’accord andalou et entend l’étendre à l’ensemble de l’état.
Pour Ciudadanos, l’affaire est plus compliquée. Il faut beaucoup de mauvaise foi, de cynisme et de contorsions pour justifier le vote des députés Vox permettant à la responsable de C’s d’être présidente du Parlement et, en retour, le vote de C’s permettant à Vox d’être au Bureau du Parlement. Souvenons nous qu’il y a un mois et demi, C’s était encore dans le même gouvernement que le PSOE, gouvernement où ils ont élaboré 3 budgets ensemble! En un mois et demi, le PSOE est devenu « le pire ennemi à abattre » et pour cela, même les voix de Vox deviennent acceptables. Il est pourtant difficile de dénoncer la gestion catastrophique et de s’en exclure quand on vient de passer une mandature ensemble.
Le deuxième problème pour C’s est sa place sur le champ politique. Le rêve de Rivera ( président de C’s) est de réussir dans l’état espagnol la même opération que Macron, c’est à dire siphonner les « centristes » du PP et du PSOE pour occuper tout le centre du champ politique. Ce n’est pas encore le cas, le PP est fortement affaibli ( tout comme le PSOE ) mais il reste devant C’s. De plus, il est difficile de faire campagne avec Macaron et le groupe politique européen des libéraux (ALDE) au nom des européens convaincus, contre les populistes et dans le même temps se retrouver avec Vox autrement dit, ceux qui vont faire campagne avec Le Pen, Salvini….
Par son attitude, Adelante Andalucia a permis de clarifier la situation en refusant le pacte global proposé par Ciudadanos qui donnait un siège au bureau du parlement à tous les partis représentés. Ainsi pour C’s, il n’y avait pas d’accord politique mais un geste « démocratique ».
AA déclarera « Que Ciudadanos ne prétende pas se laver de son pacte honteux sur le dos de Adelanta Andalucia ». Le refus de AA de pacter de fait avec la droite et l’extrême droite, a imposé de présenter une candidature indépendante au bureau. Cette candidature a reçu les voix du PSOE mais les votes contre, des autres partis ( PP, C’s et Vox),. En conséquence AA, qui reçu 600 000 voix, ne sera pas représentée au bureau du parlement andalou.
Au final, la » Mesa del Parlamento » est composée d » une Présidente c’s, de deux Vice Présidents PP et PSOE, de trois secrétaires PP, PSOE, Vox.
Uu succès pour Vox
Bien entendu, commençons par enregistrer les 400 000 voix et les 12 députés, mais une fois ce résultat obtenu l’enjeu pour Vox était à un autre niveau. La Droite allait elle établir un cordon sanitaire ? Vox allait il être considéré par la Droite, comme ce qu’il est, un groupe d’extrême droite raciste, anti féministe, homophobe… ? Comme nous allons le voir, il n’en est rien.
Ni le PP, ni Ciudadanos ne caractérisent Vox comme un parti d’extrême droite, ils utilisent pour parler de Vox de ce nouveau mot à la mode et passe partout de « populistes ».
Pour Vox, le deuxième élément du succès est qu’ils sont intégrés, comme un parti « normal », dans le champ politique espagnol. Grâce au PP et à Ciudadanos, ils ont gagné la reconnaissance, la légitimité et la considération. En permettant que Vox intègre le bureau du Parlement andalou, PP et Ciudadanos ont blanchi Vox et en ont fait un partenaire politique appartenant au même camp.
Vox ne cherche pas vraiment à entrer au gouvernement andalou. Tout d’abord, en raison de leur position franquiste sur la conception de l’état, ils sont, comme Franco, pour « l’Espagne Une et Grande » et pour la suppression de tous les statuts d’autonomie. Ils ont bien dit qu’ils étaient prêts à rentrer au gouvernement pour « organiser le transfert des compétences vers l’état central » ! Plus sérieusement, Vox a indiqué vouloir voter les lois « une par une » et montré des exigences comme celle de déroger à la loi sur les violences faites aux femmes, considérée par eux comme « discriminatoire pour les hommes » ! Vox est aussi pour un construire un mur infranchissable autour des villes coloniales Ceuta et Melilla !
Le futur gouvernement PP – C’s sera en permanence soumis aux votes des députés Vox pour obtenir une majorité, ce qui est un pouvoir considérable.
« Le préambule de ce qui va se passer aux municipales, autonomies » Pablo Casado, Président du PP
Il faudra analyser le pourquoi de l’échec de la gauche en Andalousie. Quelle est la part de l’usure du PSOE, des scandales de sa gestion? Du refus par une partie de l’électorat de l’accord de gouvernement PSOE – Ciudadanos ? De la crise de ce parti qui sans disparaître a beaucoup perdu ? Concernant Adelante Andalucia, malgré une bonne campagne, comment comprendre la perte de voix alors que le PSOE baisse fortement ? La nouvelle image de Podemos se positionnant pour des accords gouvernementaux avec le PSOE a -t- elle pesé ? Vu la place centrale accordée par la droite et l’extrême droite à la Catalogne dans cette campagne, l’orientation des indépendantistes qui se sont peu adressés au peuple espagnol a – t- elle joué? L’unité de l’Espagne a -t – elle un poids supérieur à ce que nous pouvions penser dans l’électorat de gauche ? Le PSOE, plutôt que de défendre l’accord réalisé sous Zapatero avec les partis catalans, s’est totalement aligné sur la politique répressive du PP, en paye -t -il le prix ? Podemos et IU ont fait lors des Législatives du « droit à décider » une question centrale, leur timidité suite à la crise catalane pour engager dans le pays une mobilisation pour la république et le fédéralisme a – t – elle brouillé leur image ? Enfin, trouver le pourquoi d’une forte abstention à gauche.
Nous devons prendre au sérieux cette déclaration de Pablo Casado, président du PP. Pour la direction du PP, l’avenir est à un accord politique entre PP, C’s et Vox. C’est en ce sens que le laboratoire d’alliances andalou prend tout son sens. Cela signifie une alternative de droite dure pour l’état espagnol.
Les sondages actuels, avec les limites des sondages, indiquent une situation sans majorité évidente. Les PP et C’s, tout comme en Andalousie, auront besoin des voix des députés de Vox (les sondages donnent entre 25 et 30) pour prendre le pouvoir.
A gauche, il en va de même. Toute nouvelle majorité passe par un accord entre PSOE, Podemos, IU et les partis nationalistes. L’arc des forces de la motion de censure ayant fait tomber le gouvernement de Rajoy devrait être nécessaire pour faire barrage à la droite unie avec l’extrême droite.
Une grande instabilité, en lien avec la crise de la Transition, est bien là.
Et maintenant ?
Concernant l’Andalousie, nous pouvons considérer que les jeux sont faits. Le vote pour le bureau du Parlement scelle de fait l’alliance à droite et nous devrions la retrouver fin janvier pour le vote de la Présidence de la Région, poste qui doit revenir au PP. Le PP malgré des élections catastrophiques, en raison de la forte concurrence de C’s et de Vox, devrait avoir la présidence.
Ciudadanos peut essayer tous les enfumages possibles pour tenter de masquer sa complicité dans l’intronisation de Vox comme partenaire de la droite,- ainsi, Rivera, répète les déclarations de Valls ( candidat de C’s à la Mairie de Barcelone) sur leur orientation de » gouvernements constitutionnels sans Vox, ni Podemos », – la réalité est autre.
Nous entrons dans une séquence électorale majeure avec le 26 Mai les élections municipales, les autonomies et les européennes. Le bilan sera déterminant pour les rapports de forces à venir.
Le gouvernement PSOE de Pedro Sanchez n’a toujours pas de budget voté. Les efforts permanents de Pablo Iglesias pour convaincre les partis nationalistes de voter le budget n’ont pas, à ce jour, porté leurs fruits. La grosse pierre d’achoppement est le procès des dirigeants indépendantistes qui va s’ouvrir. Malgré le résultat des élections andalouses qui est un signal d’alarme fort, les partis nationalistes n’ont pas à ce jour annoncé qu’ils étaient prêts à voter le budget. Il est vrai qu’alors que leurs dirigeants risquent entre 25 ans et 16 ans de prison, il est difficile de faire un pas du côté du gouvernement PSOE qui refuse toujours un referendum négocié. Si jamais, la situation restait en l’état, de nouvelles élections générales anticipées sont à prévoir.
Les périodes électorales sont souvent peu propices aux mouvement sociaux pourtant ils deviennent indispensables pour résister aux vents de droite et d’extrême droite. Retrouver l’esprit du 15M, des formidables mobilisation féministes du 8 Mars, des jeunes précaires de Uber ou Deliveroo en lutte pour leurs droits, des retraités mais aussi des nombreux referendums contre la royauté tenus dans les universités et les villes, arriver à faire converger tous ces mouvements est un enjeu décisif. Pour garder, les nombreuses municipalités rebelles gagnées il y a quatre ans, l’esprit de confluence s’appuyant sur les mouvements sociaux et le pluralisme doit être au centre de la constitution des listes.
Rarement une séquence électorale aura eu un tel enjeu.