Quelques sondages, en plein mouvement des Gilets Jaunes, montrent des progrès du RN (ex FN) et un tassement de Mélenchon et de la FI, pour ne prendre que ces deux pôles. Il semble déjà assez clair que le mouvement des GJ profite à l’extrême droite plus qu’à la gauche radicale, même si Mélenchon, le mieux placé à gauche, a plutôt bien réagi au mouvement en comprenant qu’il fallait le soutenir.
Cela confirme, d’une part les ambigüités du mouvement, que l’on a observées, comme les réactions sur les réseaux GJ sur le pacte de Marrakech et les migrants ou comme le complotisme à propos de l’attentat de Strasbourg, qui aurait été une manœuvre du pouvoir macronien. Ce n’est pas ce point que je souhaite développer dans ce texte, mais l’autre aspect qui ressort des divers sondages de ces derniers jours : la victoire de Le Pen en 2022 n’est plus exclue. En 2017, Ensemble avait considéré, à juste titre, qu’il fallait appeler à barrer la route au FN, l’idée étant de faire qu’il ait le moins de voix possibles. Mais, même avant le, débat raté de Marine Le Pen, elle n’était pas en mesure de gagner.
Or, aujourd’hui, la situation est sensiblement différente : le pouvoir s’est affaibli très vite et la crise des GJ a aggravé sa chute dans l’opinion, à tel point que le mot d’ordre « Macron démission » est devenu central et qu’une haine contre le président est apparue forte durant les dernières semaines. Il aura du mal à rattraper cela. Et il sera bien difficile en 2022 de faire voter Macron au 2ème tour aux électeurs de gauche du 1er tour. Des camarades diront, à juste titre : notre perspective n’est pas de faire gagner Macron. Certes. Mais notre perspective, qui est de faire gagner une gauche vraiment de gauche ne paraît pas simple non plus : divisée, la gauche fait tout le temps moins de 30 % dans les sondages. Quant au rassemblement du peuple derrière la FI, qui était la ligne de Mélenchon après 2017 (l’est-elle encore ?), il est devenu totalement illusoire, même si la FI demeure en tête de la gauche.
Or, aujourd’hui, la situation est sensiblement différente : le pouvoir s’est affaibli très vite et la crise des GJ a aggravé sa chute dans l’opinion, à tel point que le mot d’ordre « Macron démission » est devenu central et qu’une haine contre le président est apparue forte durant les dernières semaines. Il aura du mal à rattraper cela. Et il sera bien difficile en 2022 de faire voter Macron au 2ème tour aux électeurs de gauche du 1er tour. Des camarades diront, à juste titre : notre perspective n’est pas de faire gagner Macron. Certes. Mais notre perspective, qui est de faire gagner une gauche vraiment de gauche ne paraît pas simple non plus : divisée, la gauche fait tout le temps moins de 30 % dans les sondages. Quant au rassemblement du peuple derrière la FI, qui était la ligne de Mélenchon après 2017 (l’est-elle encore ?), il est devenu totalement illusoire, même si la FI demeure en tête de la gauche.
L’autre élément qui conforte ce risque de victoire de la droite extrême, c’est bien sûr l’évolution internationale à cet égard. Les victoires de Trump, de Bolsonaro, les progrès de ces courants en Europe de l’Est étaient déjà inquiétants. Mais, trois situations récentes, dans des pays qui se rapprochent bien d’avantage de la structure sociale et politique de la France, montrent que le risque n’est plus théorique. Que l’extrême droite puisse l’emporter en Italie, même s’il y a des nuances à apporter au Mouvement 5 étoiles, c’est éclairant sur les possibilités de ces courants de gagner, y compris dans un pays qui a vu naître le fascisme et qui fut une terre d’émigration. Quant à l’Allemagne et à l’Espagne, où il y a un progrès rapide de l’extrême droite, même si ces partis demeurent loin du pouvoir, c’est très inquiétant. Dans ces deux pays, sans doute plus qu’en Italie, la mémoire du franquisme et de l’hitlérisme semblait avoir vacciné les populations. En Espagne, Vox, en Andalousie, se réclame ouvertement de l’ancien dictateur.
Alors, il nous faut revenir à la logique qui était celle d’Ensemble en novembre 2013 à la naissance de notre mouvement : le rassemblement de la vraie gauche, celle qui agit contre l’austérité et pour l’écologie, celle qui refuse les diktats de Bruxelles. Cette logique, une partie d’entre nous considère qu’elle est obsolète depuis la campagne de 2017, où Mélenchon, avec talent, a pris presque toute la place à gauche. On pouvait peut-être le penser au lendemain des présidentielles et des législatives. Mais depuis il n’en a rien été, que ce soit sur le terrain électoral, où il y a un tassement de la FI, dans des élections partielles comme dans l’Essonne ou dans les sondages. Et sur le terrain des mobilisations, on ne peut pas dire que la FI fédère le peuple. Elle est même souvent, par son sectarisme, à côté des mobilisations. Sur les GJ, la FI s’est manifestée en soutien, mais, sans se différencier, pensant que les GJ reprenaient son programme. Le résultat en terme électoraux ne semble, pour le moins, pas évident.
Il me semble nécessaire de discuter ici d’un argument souvent employé : il y aurait une course de vitesse entre deux radicalités, celle de l’extrême droite et la nôtre. Et il faudrait gagner cette course de vitesse. C’est, en gros, la ligne de la FI, encore qu’elle varie parfois à ce sujet. Cette ligne, quand a-t-elle réussi ? En Russie en 1917, dans une situation très différente, avec la guerre et une extrême droite liée au souvenir récent du tsarisme. A part cet exemple, je ne vois pas. Par contre, je vois une situation beaucoup plus proche de la nôtre : l’Allemagne des années trente. Le PC allemand, qui atteignit jusqu’à 13% des voix se présentait comme la seule alternative à Hitler, et il progressa dans les divers votes avant 1933. Oui, mais Hitler progressa bien plus vite et la division de la gauche, entretenue par le PC (le PS ayant aussi ses responsabilités), n’en faisait nullement une alternative crédible (alors que, dans les dernières élections libres avant la nuit nazie, la gauche avait plus de voix qu’Hitler).
Quelles que soient nos appréciations sur le passé ou la situation actuelle, les nouveaux éléments liés à ce qui vient de se passer avec les GJ nous interpellent. Un débat est indispensable dans notre mouvement et il l’est dans la FI. La question du rassemblement est posée de manière beaucoup plus pressante qu’auparavant :
Quelles que soient nos appréciations sur le passé ou la situation actuelle, les nouveaux éléments liés à ce qui vient de se passer avec les GJ nous interpellent. Un débat est indispensable dans notre mouvement et il l’est dans la FI. La question du rassemblement est posée de manière beaucoup plus pressante qu’auparavant :
- Parce qu’aucun mouvement ne peut, seul, répondre aux questions posées par la mobilisation des Gilets Jaunes, qui est un immense défi au mouvement ouvrier et à la gauche : nous (tous courants confondus) n’avons pas su exprimer les aspirations de celles et ceux que nous devons représenter et elles se sont exprimées en dehors de nous, quels que soient les efforts faits par les un.e.s ou par les autres. C’est une première, me semble-t-il.
- Parce que le danger d’extrême droite menace pour la première fois à ce niveau depuis la Seconde Guerre mondiale et que, même si elle tente de présenter un autre visage, nous savons ce que représente l’extrême droite, notamment pour les populations les plus fragilisées.
C’est bien pour toutes ces raisons qu’il nous faut débattre de la nouvelle situation. Un débat qui n’est pas que le nôtre et qui concerne tout le mouvement ouvrier, toute la gauche. A nous de débattre en interne et d’alerter en externe contre les dangers qui se profilent. Il ne faut pas que débattre, il faut montrer, partout où nous agissons, l’ampleur du danger.
Robert Hirsch