A Marseille, samedi 26 janvier, la mobilisation pour le logement digne a franchi une nouvelle étape. C’était la 4e marche après les évènements dramatiques de la rue d’Aubagne en novembre dernier. Les deux premières, « la marche de la dignité » et la « marche de la colère », avaient été initiées par le « Collectif du 5 novembre » constitué par les victimes des effondrements au cœur du quartier Noailles et les premier.es délogé.es.
Le cadre de mobilisation s’est maintenant considérablement élargi et structuré, rassemblant de très nombreuses associations d’habitant.es de tous les quartiers populaires de Marseille, des forces associatives et syndicales, agissant pour le logement digne, pour l’accès aux services publics, contre les expulsions, aux côtés des migrant.es et des mal logé.es.
Un cap important a donc été franchi dans le rassemblement des forces, des quartiers populaires du centre aux cités de la périphérie. Samedi, plus de 5 000 personnes ont défilé pour exiger le relogement des évacué.es et l’accès à un logement digne pour tou.tes à Marseille. Pour affirmer ensemble leur droit à la ville. Pour protester contre les bailleurs privés ou publics corrompus et/ou incompétents, dénoncer l’incurie de la municipalité et exiger sa démission. Pour exiger qu’il soit mis fin à la prédation de la ville par les marchands de sommeil et les grands groupes privés.
Actuellement, ce sont plus de 2000 personnes évacuées des immeubles en péril, dans tout le centre-ville marseillais qui sont hébergées en hôtels ou en structures d’urgence, souvent très loin de leur quartier, de l’école des enfants, des centres d’assistance, laissés à elles-mêmes… Parmi elles, des personnes âgées éloignées de leur famille ou des structures d’aide sociale et de soin, sont littéralement abandonnées et peinent parfois à se nourrir. Aucun portage des repas n’a été mis en œuvre pour elles.
Au cri de « Réquisition des logements vides », «Nous sommes tous des enfants de Marseille» ou « On n’oublie pas ! On pardonne pas », les habitant-es de Marseille ont hurlé leur colère. La manifestation a été ponctuée de deux séances de prises de parole : des témoignages, mais aussi les revendications des nombreuses associations de la ville, du Collectif du 5 novembre et l’assemblée de la Plaine, jusqu’aux associations des cités, exprimant leur colère face à la politique urbaine. Il fallait noter la forte représentation dans les mots d’ordre de l’exigence de justice pour Zineb Rédouane, vieille dame tuée à sa fenêtre chez elle par un tir tendu de grenade, et la présence des familles et des jeunes mineurs sans papier du « Squat Saint-Just ».
Du centre-ville, jusqu’aux quartiers Nord, la résistance s’organise, autour du « Manifeste pour un Marseille vivant et populaire » (Cf ci-après), un pacte de solidarité qui unit les quartiers populaires de la ville. Rendez-vous a été donné pour un rassemblement lundi 4 février devant la mairie où s’est réuni le Conseil municipal.
Suite aux enquêtes, de nombreux scandales éclatent. Les délogements continuent, puisque 40 000 logements indignes ou dangereux signalés dans un rapport officiel en 2015 sont en cours d’expertise et donnent lieu à de nouvelles déclarations de mise en péril.
Marseille pleure ses morts et crie sa colère, mais samedi la ville a connu une manifestation à la fois émouvante et combative. Pleine de promesses de lutte pour l’avenir.
Manue Johsua, Emmanuel Arvois
Manifeste pour un Marseille vivant et populaire
Le drame de la rue d’Aubagne a mis à nu la brutalité de toute une politique. À Marseille, la ville se fait sans les habitant.e.s. Et même contre eux. Et ça ne peut plus durer.
Le 5 novembre 2018, l’incompétence, le mépris et les magouilles ont tué Ouloumé, Fabien, Simona, Pape Maguette, Marie-Emmanuelle, Chérif, Taher et Julien. Zineb, tuée par une grenade lacrymogène le 1er décembre, en est aussi une victime.
Les taudis, les écoles délabrées, les équipements et services inexistants, les transports publics indignes de la « deuxième ville de France », les cités des quartiers Nord laissées à la dérive (Maison-Blanche, Air-Bel, Kalliste, parc Corot…) : la politique du pourrissement, nous en avons assez.
Assez, également, de la braderie du patrimoine et de l’espace public aux promoteurs, multinationales et fonds de pension (hauts de Sainte-Marthe, la Savine, les Feuillants, Corderie, Hôtel-Dieu…)
Assez des millions investis pour les croisiéristes, assez des millions gaspillés pour fabriquer une ville qui n’existe pas, une ville falsifiée, quand la ville réelle est en train de crever.
Pour la mairie, une ville populaire est un problème. Pour nous, c’est la solution. C’est l’espace historique où se tissent les solidarités qui tiennent Marseille debout.
Nous voulons :
– La réquisition de logements vides pour y installer les sinistrés de Noailles, les évacués, les sansdomicile et les mineurs isolés.
– Un programme de lutte contre l’habitat indigne qui ne serve pas de prétexte à l’éviction des pauvres du centre et des quartiers.
– L’interdiction de toute spéculation immobilière là où sont morts nos amis, voisins et parents.
– Des centres sociaux, des crèches et un financement non clientéliste des associations dans tous les quartiers.
– Le lancement d’un vaste programme public de rénovation et de reconstruction des écoles.
– Une rénovation qui réponde aux besoins de la population et respecte les activités et usages existants. Arrêt des chantiers inutiles et autres projets-vitrine comme sur la Plaine.
– Le maintien des marchés populaires et des commerces de proximité. La fin de la prolifération de centres commerciaux et autres attrape-touristes.
– L’annulation des partenariats public-privé, ces contrats ruineux pour la ville et les contribuables.
– Des transports en commun gratuits, pour en finir avec le tout-voiture et la ségrégation territoriale.
– La fin de l’arrachage compulsif de nos arbres (Luminy, parc Lévy, Longchamp, la Plaine, îlot Chanterelle, jardin des Vestiges…).
– Que toute opération d’urbanisme commence par de véritables concertations publiques, et non des simulacres : les habitant.e.s de Marseille doivent avoir le dernier mot.
Pour une ville vivante, verte et populaire
Les signataires : Assemblée de la Plaine, Association Arte Chavalo, Association des Auteurs-Réalisateurs du Sud-Est, Association des usagers des bibliothèques de Marseille, CNT 13, Collectif 5 novembre – Noailles en colère, Collectif B-Vice La Savine, Collectif des écoles de Marseille, Collectif d’habitants des Bourrély, Collectif d’habitants de Maison Blanche, Collectif d’habitants d’Air-Bel, Collectif d’habitants du Plan-d’Aou, Collectif d’habitants Busserine-Picon, Collectif d’habitants du Petit-Séminaire, Collectif Grand rattrapage, Collectif Marseille en colère, Coordination Pas sans nous 13, Droit au logement 13, Emmaüs Pointe-Rouge, Front uni des immigrations et des quartiers populaires 13, FSU 13, Groupe de veille Busserine-PiconSaint-Barthélémy, LDH Marseille, Les Amoureux au ban public 13, Les MacDonald’s de Saint-Barthélémy, Mille Bâbords, MutVitz 13, Primitivi, Réseau éducation sans frontières 13, Rouges Vifs, Solidaires 13, Sud-CT 13, Syndicat des quartiers populaires de Marseille, Un Centre-ville pour tous, UD-CGT 13, UL-CGT Marseille centre, Université populaire de Marseille