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Scoop ! Le Rassemblement National reste un parti raciste !

« Je m’appelle Carlos Martens Bilongo. Je suis né en France à Villiers-le-Bel »

« Retourne en Afrique », « Qu’il(s) retourne(ent )» en Afrique », peu importe au final ce qui a été dit. Que ce soit Carlos Marten Bilongo qui était visé directement ou les 234 migrant·es rescapé·es secouru·es par l’Ocean Viking, qui errent en Méditerranée faute de pouvoir trouver un port européen pour les accueillir, le racisme est le même.
Quelle que soit l’invective, Carrlos Marten Bilongo, même député était bien évidemment concerné. Et c’est parce qu’il le sait qu’il commence son communiqué par « Je m’appelle Carlos Martens Bilongo. Je suis né en France à Villiers-le-Bel…J’y ai grandi et j’y ai passé toute ma vie » Parce qu’il sait que chacun de ces mots d’une banalité confondante pose pourtant problème aux Grégoire de Fournas de ce pays. Même né en France, pour eux, il sera toujours mis dans le même bateau que les migrant·es qui tentent au péril de leur vie de traverser la Méditerranée. Même en ayant grandi dans ce pays, il sera toujours considéré comme de passage et en sursis. Et il a compris que même ceint de l’écharpe tricolore du député, il n’y aura jamais aucun talisman qui le protégera du racisme le plus brutal que subissent la plupart des racisé·es de ce pays.  L’écharpe tricolore n’a jamais suffi à protéger Danièle Obono des caricatures racistes de « Valeurs Actuelles » ou Azzedine Taïbi maire de Stains des attaques islamophobes abjectes d’éditorialistes ou de groupuscules fascistes.
Il n’y a donc aucune hiérarchisation à faire entre les migrant·es là-bas et un député racisé ici. Parce que ce serait une forme de banalisation du racisme contre les migrant·es au prix d’une sanctuarisation toute relative des député·es comme on l’a vu pour Danièle Obono.
Grégoire de Fournas lui hiérarchise bien évidemment, c’est un peu dans son ADN politique. Mais il aura beau écrire, parce qu’il est sous le feu très provisoire des critiques qu’ «il  n’aurait jamais prononcé ni toléré une quelconque déclaration raciste ou insulte » à son égard, nous savons qu’il n’y a rien de plus faux. Il suffit de lire les nombreux tweets qu’il s’est empressé d’effacer, lui qui appelait à « renvoyer les Algériens en Algérie », ou qui déplorant  le nombre de prénoms à consonance étrangère sur une liste d’appel en classe souhaitait « Bonne rentrée au petit Lucas, en espérant qu’il parvienne à s’intégrer ! » en accompagnant sa publication du mot-clé #grandremplacement.

Un RN respectabilisé et dédiabolisé ?

Carlos Marten Bilongo, en voilà un nom à consonance étrangère comme doivent le penser tout bas les député·es du RN, enragé·es à la seule idée qu’il puisse être député. Et s’ils·elles s’abstiennent le plus souvent de le dire à voix haute dans l’hémicycle c’est parce qu’ils·elles jouent la respectabilité dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale. Porter la cravate ou le tailleur et tenir sa langue, pour  coller au storytelling d’un RN, respectabilisé et dédiabolisé, candidat au pouvoir. Les médias qui jouent un peu trop facilement le jeu de Marine Le Pen leur donnent d’ailleurs très souvent « le bon Dieu sans confession ». A écouter certain·es éditorialistes de Bfmtv et de Cnews, le RN dédiabolisé serait fin prêt à recevoir la communion du suffrage universel pour siéger à l’Elysée et à Matignon.
Mais voilà, Grégoire de Fournas s’est oublié un instant, il a dû rater son nœud de cravate le matin et il n’a pas su tenir sa langue. Il a dit tout haut ce que les députés RN pensent tout bas : Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique !
Il est trop tôt pour savoir si cet « incident » perturbera sur la durée la stratégie de normalisation du RN. Parce que si cette fois l’invective raciste n’est pas passée, c’est d’abord parce que Grégoire de Fournas n’y a pas mis les formes. Mais Marine Le Pen l’a fait en affirmant tranquillement que c’est le droit démocratique le plus stricte du RN de défendre cette idée que « les bateaux des ONG doivent déposer les migrants non pas en Europe mais dans les ports de départ ».

« L’ADN xénophobe du RN »

Voilà donc le RN qui voudrait que les bateaux des ONG fassent les supplétifs de Frontex (l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes) qui procédait il n’y a pas si longtemps à des renvois illégaux de migrant·es en Grèce vers la Turquie. Or le renforcement des moyens de Frontex qui disposera désormais de 10 000 garde-côtes et garde-frontières d’ici 2027 avec des agent·es désormais armé·es aura comme effet direct des prises de risque encore plus importantes de migrant·es désespéré·es.
Evidemment, jamais le RN ne dira ouvertement « qu’on les laisse se noyer ». Ses député·es et ses porte-paroles y mettront les formes. Ils·elles parleront de lutte contre les passeurs, ils·elles regretteront qu’on ne puisse pas accueillir toute la misère du monde et ils·elles ne seront pas les seuls à affirmer cela. Le ministre de l’intérieur M Darmanin celui qui veut durcir l’application des OQTF et rendre la vie impossible aux étranger·es en situation irrégulière défend lui aussi le durcissement de l’Europe Forteresse.
Il ne faut donc pas être dupe. Durant quelques jours, les député·es, les médias et le gouvernement ont quasi unanimement exprimé leur désapprobation. La Présidente de l’Assemblée Yael Braun Pivet s’est peut-être dit que finalement elle avait eu tort de rappeler à l’ordre une députée Renaissance qui avait osé parler de l’ « ADN xénophobe » du RN.  Elle s’est peut-être rappelée aussi que lors de l’examen du projet de loi sur l’assurance-chômage, le RN a défendu des amendements pour réduire les droits au chômage d’étrangers hors Union européenne, interdire la présence d’étrangers au sein des instances représentatives des entreprises ou encore limiter le droit de vote des travailleur·euses précaires aux élections professionnelles.

On peut et on doit regretter l’hypocrisie de certains comme Darmanin qui surjouent la colère alors que le reste du temps ils passent leur temps à faire du copié collé des idées du RN. Mais on doit surtout en profiter pour rappeler inlassablement que cette invective n’est pas une erreur mais qu’elle révèle ce qui aurait du rester évident pour toutes et tous, que le RN est un parti raciste, qui défend une politique raciste. C’est d’autant plus le moment que suite à cette polémique le 18ème congrès du RN n’a pas non plus collé au storytelling d’un RN dédiabolisé et normalisé. Jordan Bardella nouvellement élu doit faire face à la fronde des « Héninois » Steeve Briois et Bruno Bilde, évincés des instances dirigeantes, Steeve Briois n’hésitant pas à parler de “reradicalisation” du parti.
Evidemment, la direction du RN qui sera bien aidé par quelques éditorialistes a déjà ressorti les pots de peinture pour repeindre à neuf la façade. Mais nous aurions tort de jouer le jeu. Si nous ne devons pas renoncer à convaincre les électeurs·trices du RN, ce ne sera certainement pas en mettant sous le tapis la nature raciste du RN que nous y arriverons. Il nous faudra répondre à une double urgence: forger une réponse politique à la hauteur de la colère face à la brutalité sociale de la politique de Macron et convaincre que c’est par la solidarité de classe entre travailleurs, chômeurs précaires, qu’ils·elles soient racisé·es ou non, immigré·es ou français·es que nous feront reculer le gouvernement et les grands patrons.

Laurent Sorel