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La grève de General Motors : un défi pour la gauche américaine

Les 48 000 travailleurs et travailleuses de General Motors avancent vers leur quatrième semaine de grève. Les dernières offres de GM ont été rejetées à l’unanimité par les syndiqué.e.s des Travailleurs et Travailleuses uni.e.s de l’Automobile. Le moral tient bon, les travailleurs et travailleuses sont solidement uni.e.s et reçoivent des appuis à travers le pays.

Cette grève, la plus importante contre GM depuis dix ans, est devenue un phare pour les autres syndiqué.e.s dans les industries connexes et pour l’ensemble du mouvement ouvrier américain. Il y a un vieux dicton qui disait « Selon GM, selon les États-Unis », mais aujourd’hui nous pouvons dire plutôt « Selon GM, selon le mouvement ouvrier américain ».

Sur les lignes de piquetage, nous pouvions voir Bernie Sanders (avant ses deux pontages), suivi d’Elizabeth Warren et du soi-disant col bleu Joe Biden. Les démocrates ont besoin de renouveler leurs alliances avec la direction des TUA, mais Sanders, fidèle à ses positions politiques, maintient son appui et sa fidélité aux travailleurs et travailleuses de la base.

Nous savons que les revendications du syndicat concernent les salaires, parce que les syndiqué.e.s ont fait des sacrifices monétaires pendant dix ans pour aider GM à remonter la pente après la crise de 2008. Maintenant, les syndiqué.e.s exigent un retour d’ascenseur. GM a répondu à ces revendications en coupant le régime d’assurance maladie des travailleurs et travailleuses. GM veut aussi fermer deux usines et mettre en chômage 6000 employé.e.s, tout en instaurant un système salarial à deux niveaux. Un nouveau travailleur ou une nouvelle travailleuse doivent ainsi travailler huit années à temps plein avant d’atteindre le plein salaire horaire. Les femmes sont particulièrement touchées par cette pratique. Ce système a été aboli en 2015, mais dans certaines usines il persiste.
Après avoir obtenu du soutien financier de l’administration Obama, GM a récolté un profit spectaculaire de trente-cinq milliards en trois ans. Mais la direction actuelle du TUA est loin d’être celle de Walther Reuther, le socialiste qui en a été président de 1946 jusqu’à sa mort en 1970. La direction actuelle est plutôt corporatiste, contrairement à Walter Reuther qui voyait dans le mouvement syndical un mouvement social qui devait améliorer les conditions de vie des travailleurs et travailleuses et de la société en général.

En 1955, Walter Reuther a soutenu le boycott des autobus à Montgomery en Alabama. Il a même payé la caution de Rosa Parks et de quatre-vingt-cinq accusés durant le boycottage. Martin Luther King a écrit son fameux discours « I have a Dream » dans les bureaux de Reuther, à la Maison de Solidarité.

Même si une bonne convention collective demeure un des buts pour les syndiqué.e.s, il y a un autre enjeu dans cette grève qui est beaucoup plus profond et important, quand nous prenons en compte la question du changement climatique. GM veut effectivement fermer deux usines, une à Lordstown dans l’état de l’Ohio et l’autre à Détroit, pour les remplacer par deux petites usines qui fabriqueraient des batteries pour les autos électriques. Ceci mènerait à une perte d’emploi pour 6000 travailleurs et travailleuses. GM espère rattraper ses concurrents, comme la compagnie Ford et la compagnie Chrysler, dans la construction de voitures électriques.

Ceci pose un dilemme pour la gauche américaine. Comment lutter contre les changements climatiques tout en sauvant de tels emplois ? Quelle solution pragmatique peut être mise de l’avant ? Il faut que la gauche puisse jumeler la justice économique avec la justice écologique, ce qui n’est pas une tâche facile.

La priorité pour la gauche, selon Jane McAlevey (militante socialiste et organisatrice syndicale), est de démontrer que les politiques de transition écologique créeront des emplois et préserveront les emplois existants. C’est en ralliant les travailleurs et travailleuses à un tel programme que la gauche peut contraindre les négociateurs syndicaux à promouvoir une stratégie qui unit la question de la justice climatique et celle de la justice économique.

Depuis la crise de 2008, GM a reçu cinquante milliards de dollars en subventions, avec onze milliards que la compagnie doit toujours payer en impôts. Une telle situation donne une opportunité pour la gauche d’exiger, avec les travailleurs et travailleuses, que GM utilise cet argent pour servir la justice économique et la justice climatique. C’est aussi une opportunité pour forcer le mouvement syndical à mettre de l’avant, dans leurs projets de convention collective, à la fois la question de la justice économique et celle de la justice climatique.

La grève de GM galvanise l’ensemble du mouvement syndical et du mouvement ouvrier. Tous les yeux des travailleurs et travailleuses sont rivés sur cette grève. Comme le nouveau dicton nous le dit, « Ce qui est bon pour GM est bon pour le mouvement ouvrier ». Le mouvement syndical, peu importe le pays, doit reconnaître qu’il est à la croisée des chemins, notamment sur la question climatique. Le défi pour la gauche américaine est de trouver des solutions pragmatiques pour les travailleurs et travailleuses, si elle veut interpeller le mouvement ouvrier avec ses slogans et ses analyses socialistes.

Avec la grève de GM, la conjoncture est propice pour l’ensemble du mouvement syndical américain indépendant, ce qui lui permet de réfléchir, d’analyser et de trouver des solutions pour jumeler la justice climatique avec les revendications des travailleurs et travailleuses pour une justice économique. Ceci vaut aussi pour la gauche en général, peu importe le pays. Nous devons identifier des liens pragmatiques entre la justice climatique, la justice économique et l’écosocialisme.

Donald Cuccioletta. Publié sur le site Presse toi à gauche du Québec.