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Journées de fondation de la Gauche écosocialiste (12 au 14 mai)

La GES, mouvement actif au sein de la France insoumise et de la NUPES, tient ses journées de fondation à Montreuil du vendredi 12 mai à 18h jusqu’au dimanche 14 mai en début d’après-midi.

A l’heure d’une mobilisation historique, d’une crise politique majeure, alors qu’il est décisif de renforcer et de construire la NUPES pour lutter contre la macronie au pouvoir et l’extrême droite qui menace, à l’heure de de la guerre en Ukraine et de la crise climatique, il nous semble indispensable de nous regrouper pour porter un projet de rupture radicale avec un capitalisme en crise. Nous sommes pour certain·es porteur.ses d’une histoire commune, mais ce qui nous lie aujourd’hui est surtout un projet politique et des pratiques susceptibles de nourrir positivement l’ensemble de la gauche politique et syndicale.

Au sein du processus de refondation de la gauche, nous défendons un horizon écosocialiste débarrassé des oppressions comme le sexisme, le racisme ou l’homophobie, de l’exploitation capitaliste et du productivisme.

Nous discuterons de ce projet durant ces journées, et plus spécifiquement de la NUPES, avec nos invité·es samedi 13 en début d’après-midi et de la révolution féministe en cours lors d’une table ronde à 17h30.

Nous vous livrons ci-dessous les deux textes soumis à la discussion.

Feuille de route de la Gauche Écosocialiste,

projet pour l’AG de fondation du 12-14 mai 2023

Un monde en crise

Le cours néolibéral du capitalisme est entré en crise durable, notamment après 2008. Il avait pu partiellement surmonter une de ses contradictions majeures – comment baisser le coût du travail en maintenant un haut niveau de consommation – par une politique de crédit facile. Cela a conduit à la crise financière majeure de l’époque. A cela s’ajoutent un approfondissement de la crise écologique dans toutes ses dimensions (biodiversité, climat et pollution) et une pandémie qui a perturbé le commerce mondial. Ces tensions et crises ravivent les dynamiques impérialistes entre la Russie, la Chine et les États-Unis. L’agression russe en Ukraine percute la vieille Europe. Elle renforce les crises énergétique et alimentaire, qui prennent leur source dans la déréglementation et la mondialisation des marchés avec la spéculation qu’elle génère.

Cette lente impasse du capitalisme mondial induit une désaffection progressive des peuples vis-à-vis de l’idéologie néolibérale qui ne fait plus rêver. Les crises sociales et écologiques ont conduit à plusieurs cycles de mobilisations massives, parfois suivis de victoires électorales de la gauche. Mais sur les décombres de l’idéologie néolibérale prospèrent aussi le racisme, le sexisme et un ensemble d’idées réactionnaires, qui font peser la menace de victoires de forces de la droite radicale voire de néofascistes (Trump, Bolsonaro, Orban…), qui n’hésitent pas à avoir recours à la violence ou à des tentatives putschistes. Même quand elles n’ont pas obtenu de victoires électorales décisives, ces forces accentuent le tournant réactionnaire et liberticide des gouvernements néolibéraux qui sont au pouvoir. La démocratie libérale est menacée dans les pays occidentaux et les dérives dictatoriales autoritaires s’approfondissent ailleurs comme en Russie, en Chine, en Turquie ou en Iran.

Cette situation internationale accroît l’urgence de la rupture avec le capitalisme néolibéral et productiviste. Elle crée une concurrence plus aigüe entre la possibilité de victoire d’une gauche combative, et celle de coalitions de droite ultra-réactionnaires ou fascisantes. Pour la gauche de rupture, faire face à cette situation implique d’en finir avec le cours mortifère du capitalisme qui pille la planète et accroît les inégalités, les dix hommes les plus riches du monde détenant plus que les 3,1 milliards de personnes les plus pauvres. La crise écologique modifie également la donne en profondeur puisqu’elle constitue une urgence nouvelle et radicale.

La bataille historique contre la réforme des retraites confirme le haut niveau de crise politique atteint en France. L’hégémonie libérale est mise en difficulté. Emmanuel Macron a décidé presque tout seul, d’imposer une réforme privant de 2 ans de retraites les français et diminuant presque toutes les pensions. 93% des actifs sont contre cette réforme, les syndicats ont mené une lutte historique de trois mois dans une unité parfaite, et l’Assemblée nationale ne l’a même pas votée faute de majorité. La crise sociale débouche donc sur une crise politique majeure qui démontre à large échelle l’épuisement et les limites démocratiques profondes de la 5ème République et l’exigence d’une refondation au travers d’un processus constituant pour une 6ème République.

Le puissant mouvement social qui s’est développé depuis janvier dernier et qui se prolonge encore actuellement a démontré que les organisations syndicales demeurent une force essentielle de résistance sociale, conservant une capacité de mobilisation de masse sans équivalent et leur centralité dans la lutte des classes sur les revendications historiques du mouvement ouvrier et de la gauche de transformation sociale. Mais il a aussi démontré des limites dans l’auto-organisation et la construction d’un processus de grève reconductible à une échelle de masse. La grève n’a pu se généraliser, ce qui a cruellement manqué dans le rapport de force global.

Pour autant, le mouvement a profondément affaibli le gouvernement, aujourd’hui largement paralysé, et provoqué une crise ouverte du régime dont l’issue n’est pas encore écrite. Dans cette situation s’ajoutent les combats en cours pour les libertés démocratiques, pour le féminisme et contre la loi Darmanin.

En France, engager un acte 2 de la NUPES pour faire vivre l’alternative de gauche et écologique

Malgré une relative absence, le Rassemblement National reste en embuscade et rien ne démontre pour l’instant que les forces de la gauche de rupture sont les mieux placées pour profiter de cette dynamique sociale. Même si on peut espérer un effet positif sur le plan politique du mouvement social. Un mouvement social, qui plus est, qui n’a pas encore livré tous ses développements possibles. 1968 a permis la victoire de 1981 et 1995, celle de 1997 ! Quoiqu’il en soit, la capacité de la NUPES à représenter une alternative, en particulier en direction des classes populaires, est une priorité pour enclencher dans ce contexte une dynamique politique à gauche

Il nous faut une victoire à des élections générales en France. Nous avons besoin de nous saisir et de transformer l’appareil d’État pour engager la bifurcation écologique, vitale désormais, et redistribuer les richesses. Pour opérer cette transformation, il faut combiner la montée en puissance du mouvement social et la conquête du pouvoir électoral. Ressusciter une gauche plurielle disposée à gérer le système ne résoudra pas durablement les contradictions et les crises actuelles. Il nous faut donc construire une union de la gauche et de l’écologie politique dont le centre de gravité est la gauche la transformation écologique et sociale.

L’unité programmatique de la gauche antilibérale en France vient de loin : le mouvement de grève de décembre 1995, ATTAC et le mouvement altermondialiste, la campagne du NON de gauche à la Constitution européenne en 2005, le Front de gauche en 2012, la campagne de la France insoumise de 2017 et celle de l’Union populaire en 2022. Dans les cycles où la gauche est dominée par le social-libéralisme (par exemple sous la présidence Hollande), elle se discrédite aux yeux de millions de travailleuses et travailleurs. Quand elle renoue avec ses valeurs, elle regagne la confiance de larges secteurs des classes populaires, comme en 2005, en 2017 ou en 2022. Alors, elle retrouve du crédit auprès d’elles. Aujourd’hui elle peut résister au Macronisme néolibéral et endiguer la montée du néofascisme.

La France Insoumise demeure actuellement le cadre politique large le plus efficace pour construire cette gauche anti-productiviste et s’affronter à la logique capitaliste. Cependant, la tripartition actuelle du champ politique rend difficile une victoire de notre camp sans unité de toute la gauche, unité nécessaire y compris au premier tour pour certaines élections. La création de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) en juin 2022 est donc un événement important.

Elle a permis de constituer un inter-groupe à l’Assemblée nationale de 147 député·es de gauche et de construire l’unité des forces de rupture avec le néolibéralisme sur la base d’un programme de 600 mesures ambitieuses. C’est un rassemblement dont le centre de gravité est la gauche de transformation sociale, puisqu’au Parlement la France insoumise en est la principale composante.

Force est toutefois de constater que les conditions de création de cette coalition électorale, sur la base des rapports de force issus du premier tour de l’élection présidentielle, pèsent sur la persistance à long terme du rassemblement. Force est également de constater que, pour de multiples raisons, la vie de la NUPES n’a pas permis jusqu’ici une intégration suffisante des différentes composantes en un rassemblement véritablement unitaire. Les différents partis de gauche se posent la question du rééquilibrage de la coalition et débattent d’un acte 2.

EELV (Europe écologie-les Verts), sans rompre avec la NUPES, a pris position à l’occasion de son AG pour une liste écologiste autonome aux élections européennes. Dirigé par Fabien Roussel, le PCF ne manque pas une occasion de se démarquer de la FI et donne l’impression d’un repli sur soi que combattent pourtant en interne de nombreux et nombreuses militant·es attaché·es à la dynamique du rassemblement. Le PS apparaît aujourd’hui profondément divisé et la position d’Olivier Faure est fragilisée du fait de sa courte victoire lors du congrès de son parti. La victoire de la candidate socialiste dissidente de la NUPES dans l’Ariège, qui a battu notre camarade Bénédicte Taurine, démontre que la droitisation de Macron ouvre un espace à sa gauche, qui peut menacer la NUPES.

Enfin, de son côté, la FI doit arriver à allier l’hégémonie politique conquise par le leadership politique à gauche après une élection et le respect des différentes composantes de la NUPES.

La NUPES ne durera pas sans le respect entre partenaires et une gouvernance véritablement collective. Une victoire à des élections législatives anticipées demeure possible. Nous devons nous y préparer, car le gouvernement ne dispose pas, à ce jour, de majorité et avec la poursuite du mouvement social, la crise politique peut se précipiter et forcer Macron à dissoudre l’Assemblée nationale.

A l’Assemblée nationale, nous devons donc consolider la NUPES en travaillant le plus possible à des propositions de loi communes tout en faisant vivre réellement l’intergroupe comme force parlementaire d’alternative au gouvernement Macron et véritablement identifiée comme telle à une échelle de masse. Nous devons ancrer la NUPES dans les territoires en développant l’unité d’action partout où c’est possible comme à l’occasion des mobilisations sur les retraites

L’union n’est ni toujours possible, ni toujours nécessaire à toutes les élections. Mais, Il serait incompréhensible dans la période que nous ne nous mettions pas d’accord avec les autres forces de gauche et les écologistes pour les européennes. Cela permettrait de disputer la victoire au Rassemblement national et à Renaissance. Nous devons maintenir la discussion avec EELV. Une nouvelle guerre pour l’hégémonie à gauche menacerait de tout nous faire perdre. Une liste commune doit être possible. On peut se mettre d’accord sur un programme si on part des exigences sociales et écologiques pour unifier les législations sociales vers le haut et articuler les politiques de bifurcation écologique. On peut aussi faire la démonstration que la NUPES est capable de se réinventer à chaque élection, et LFI n’a pas vocation à occuper la tête de liste à chaque scrutin.

Plus largement, nous devons rapidement incarner une alternative majoritaire. Tout le monde reconnaît que nous avons besoin d’un acte 2 de la NUPES. Notamment pour l’élargir à tou.tes celles et ceux qui se reconnaissent dans cette alternative, mais qui ne sont pas membres d’une des cinq composantes fondatrices.

Mais l’ unité doit se construire dans l’action avec des objectifs bien circonscrits. Nous devons aussi nous organiser de façon souple et respecter les rythmes et prérogatives des différentes organisations. Nous voyons bien que l’alchimie à mettre en œuvre est complexe, mais la situation politique nous oblige à avancer vite.

Un acte II de la NUPES est indispensable pour combattre les tendances centrifuges et pour mettre en avant une gauche à la hauteur de la situation politique et sociale. Il doit procéder à la fois d’une impulsion nationale et de la construction de la NUPES à la base partout en France, sous la forme de comités, de forums ou d’assemblées générales.

Démocratisation et ancrage dans les territoires de la France insoumise

La France insoumise doit se développer et recruter. Il n’y aura pas d’unité de la NUPES sur une base de transformation sociale dans la durée sans que la France insoumise soit unie, forte et ancrée dans les territoires. Pour mener le combat pour une alternative de rupture à gauche, il est impératif qu’elle se structure de manière démocratique et en respectant son pluralisme réel. Nous devons aussi obtenir des victoires électorales locales, pour nous ancrer durablement dans les territoires.

Localement les militant·es doivent avoir plus de moyens pour agir de façon autonome. La situation politique peut changer très vite. Nous avons absolument besoin d’une force politique vivante où toutes les sensibilités sont écoutées, où le débat interne est libre, où les militant·es sont incité·es à prendre part aux décisions stratégiques.

La FI se trouve confrontée au défi de la pérennisation et de l’implantation, ce qui nécessite une évolution démocratique. Par ailleurs, la crise déclenchée par la volonté de réintégrer rapidement Adrien Quatennens dans le groupe parlementaire, à laquelle nous nous sommes opposé·es, laissera des traces. Il est nécessaire d’appliquer en interne les principes féministes dont la FI se réclame et de faire progresser globalement le mouvement sur cette question essentielle.

Malgré les évolutions récentes engagée à l’automne 2022, encore insuffisantes, notamment avec la mise en place de boucles départementales, d’une coordination nationale et d’un conseil politique, de nouvelles avancées sont nécessaires. La volonté de transformation s’est arrêtée au milieu du gué. Il n’est pas clairement établi que les boucles départementales constituent de vraies directions locales. Une évolution démocratique au sein du mouvement, favorisant la délibération collective, la construction des convergences par le débat et la mise en œuvre décidée et maîtrisée par les militant·es de l’orientation, permettrait de gérer démocratiquement les divergences éventuelles. Un fonctionnement plus démocratique renforcerait la FI, son audience et son efficacité comme force politique motrice d’une alternative majoritaire au gouvernement Macron.

Le renouvellement de la coordination nationale des espaces a été vivement discuté, de nombreuses personnalités dont l’apport à la FI est majeur en ont été écartées . Si elle est le véritable lieu décisionnaire de la FI, ses représentant·es doivent être élu·es. Enfin, la création du conseil politique peut être une bonne nouvelle, si celui-ci permet de prendre en compte la diversité des sensibilités et donc de donner un vrai statut aux forces politiques et courants constitué.es qui partagent les objectifs politiques de la FI, si c’est bien le cadre où les débats stratégiques et politiques sont mis en délibération et tranchés.

Nous avons exprimé les principes suivants que nous continuons à défendre pour la France insoumise :

– Mettre en place un système d’adhésion-cotisation modulé sur les revenus sur une base déclarative (et pouvant être seulement symbolique), qui serait réparti entre structure départementale et nationale

– Considérer les instances locales comme des instances d’initiatives politiques et pas seulement de mise en œuvre logistique. Ainsi, à l’échelle départementale, une désignation des animateurs locaux et animatrices locales lors d’assemblées générales communes à tou·te·s les Insoumis·es légitimerait cette évolution. Cela pourrait faciliter la mise en place de groupes de travail inter-groupes d’action à l’échelle départementale.

– Mettre en place une direction politique du mouvement démocratiquement constituée en quatre collèges : des représentant·es désigné·es après débat par les coordinations départementales ou régionales, des représentant.es tiré.es au sort, des représentant·es de l’intergroupe parlementaire et des élu.es locales-aux, des représentant·es des formations politiques associées. Cette instance pourrait fonctionner par la recherche du consensus et, à défaut, circonscrire les divergences et organiser le vote des cotisant·es Insoumis·es. Cette instance pourrait désigner le comité électoral.

La bataille idéologique est très importante. La création de l’institut La Boétie est une bonne nouvelle, mais nous devons être vigilant·es sur le respect de l’autonomie des intellectuel·les qui y interviennent. Le travail scientifique, de recherche et d’élaboration doit irriguer l’ensemble du mouvement et contribuer à la bataille idéologique sur le terrain. Ce fut le cas pour la bataille des retraites, dans laquelle la Boétie a joué pleinement son rôle.

Sur le long terme, il est absolument nécessaire que la France insoumise passe d’une structure adaptée aux campagnes présidentielles à une structure démocratique susceptible d’organiser politiquement, dans la durée, tou·te·s les militant·es en accord avec sa stratégie et son programme.

Contribuer à un front social et politique

La bataille idéologique comme les victoires sociales ne se construisent pas exclusivement sur le terrain des élections et des institutions. Les luttes syndicales ou les expériences concrètes d’autogestion sont tout aussi importantes que les victoires électorales. Nous devons donc être impliqué.es dans les syndicats et les construire partout où c’est possible. La mise en œuvre d’une alternative majoritaire au gouvernement Macron nécessite un front commun des forces du mouvement social et des forces politiques soutenant la rupture, articulé à une puissante mobilisation populaire.

Nous respectons l’autonomie du champ syndical et social. Dans la construction des mouvements, comme celui contre la vie chère ou celui des retraites, nous défendons la convergence et la complémentarité des initiatives autour d’objectifs communs, qui devraient pouvoir être exposés et défendus dans une plate-forme commune de lutte et de rupture avec la politique du gouvernement.

En aucun cas, les forces politiques ne doivent chercher à dominer le mouvement social ou à lui dicter son agenda. Pour autant, nous défendons toutes les initiatives nationales et locales qui permettent de construire des convergences effectives dans les luttes. Par exemple, pour la bataille des retraites, nous avons défendu des meetings communs et la création de collectifs de défense des retraites dans les territoires (quartiers, localités, etc.). Dans les luttes, nous défendons toujours l’auto-organisation des travailleuses et travailleurs à la base, et plus largement des acteurs et actrices direct.es des mobilisations avec des assemblées sur les lieux de travail, les lieux d’études, dans les quartiers, etc., qui décident démocratiquement des modalités de lutte.

Lutte après lutte nous devons forger, avec les organisations syndicales et le mouvement social plus largement, un front commun de résistance et de transformation sociale qui en permanence échange sur les stratégies de lutte comme sur les réponses programmatiques et le contenu politique et revendicatif de l’alternative. Pour les parlementaires et élu.es, cela passe par un dialogue nourri et permanent avec les associations et les syndicats. Certes les organisations du mouvement social, syndicales notamment, sont affaiblies, mais elles demeurent un cadre d’organisation irremplaçable pour les citoyen.nes, comme en témoigne par exemple la puissance des mobilisations organisées par l’intersyndicale nationale contre la réforme des retraites.

Les pratiques que nous mettons en œuvre dans le mouvement social et politique sont au moins aussi importantes que le programme. Partout, où nous intervenons, nous luttons contre les pratiques sexistes, racistes et homophobes et nous respectons l’autonomie des cadres dans lesquels nous intervenons.

Construire la Gauche écosocialiste

Nous sommes pour certain.es porteur.ses d’une histoire commune, mais ce qui nous lie aujourd’hui est surtout un projet politique et des pratiques susceptibles de nourrir positivement l’ensemble de la gauche politique et syndicale. Pour participer au développement, à la consolidation et à la démocratisation de la France Insoumise, nous battre pour le féminisme et contre le racisme, conforter la NUPES ou favoriser la convergence des luttes, nous avons besoin d’une organisation commune.

Nous sommes aussi porteur.ses d’un horizon écosocialiste débarrassé des oppressions comme le sexisme, le racisme ou l’homophobie, de l’exploitation capitaliste et du productivisme. Avancer vers cet horizon émancipateur exige un dépassement du capitalisme et un affrontement avec les classes dominantes. Nous sommes aussi internationalistes, solidaires avec tous les peuples en lutte contre les impérialismes quels qu’ils soient : États-Unis, Chine, Russie, France ou Turquie…

La Gauche écosocialiste est donc une organisation démocratique, engagée dans la France insoumise, et plus largement au sein de la NUPES et du mouvement social. La situation exige que nous la renforcions en lançant une vaste campagne d’adhésion et que nous la structurions davantage. Nous avons besoin d’être mieux organisé.es et plus nombreuses et nombreux, pour mettre en œuvre cette feuille de route. Nous nous dotons donc d’un collectif d’animation national paritaire de 24 membres.

Enfin, le processus de refondation de la gauche n’est pas terminé, nous poursuivons les échanges avec d’autres forces constituées pour trouver des partenaires dans la mise en œuvre de cette feuille de route.

Principes Fondateurs de la Gauche Écosocialiste

Tracer un chemin vers l’émancipation

Les principes fondateurs qui suivent n’épuisent pas les questions à mettre en débat pour la refondation d’une gauche de combat sur la base de l’écosocialisme. Les bouleversements en cours sont porteurs de questions stratégiques majeures, auxquelles il faut s’atteler pour reconstruire un horizon à gauche.

SOMMAIRE :

UNE CRISE GLOBALE DU CAPITALISME. PARTAGER NOS CONSTATS 

La possibilité d’un effondrement systémique 

Construire une alternative à la militarisation du monde, aux guerres et au fascisme. 

POUR CHANGER LE MONDE ET CHANGER LA VIE : UNE RÉVOLUTION NÉCESSAIRE. S’ENGAGER POUR L’ÉCO SOCIALISME 

Un projet révolutionnaire contemporain est nécessaire 

Pour une révolution sociale 

À court terme, rompre avec le productivisme 

Mettre fin au patriarcat

Une révolution égalitaire et démocratique contre les oppressions structurelles

Une révolution internationaliste contre les impérialismes

Pour réaliser ces objectifs, une révolution démocratique

POUR RENDRE CES RÉVOLUTIONS POSSIBLES. S’ENGAGER DANS LE PROCESSUS RÉVOLUTIONNAIRE 

Favoriser l’intervention populaire face au bloc bourgeois 

L’unité des exploité·e·s et des opprimé·e·s

Reconstruire une hégémonie sociale et politique

Se préparer à l’exercice démocratique du pouvoir

Une force politique organisée et démocratique pour l’émancipation 

Ce n’est qu’un début, continuons le débat 

 

UNE CRISE GLOBALE DU CAPITALISME. PARTAGER NOS CONSTATS

La reproduction du système capitaliste constitue une menace imminente pour la préservation des conditions de vie sur la planète. Cette crise écologique est sans précédent. Si elle n’est pas jugulée, elle entraînera l’humanité durablement dans la barbarie. Le mode de production en vigueur depuis deux siècles environ – le capitalisme – est incompatible avec les conditions physiques et biologiques de constitution et de reconstitution des ressources et de l’énergie dans le système Terre. Le projet de société que nous portons, en faveur d’une organisation sociale et politique démocratique, ne peut donc qu’être contradictoire avec le capitalisme comme système de production et de pouvoir. Ce projet doit permettre aux êtres humains de se réapproprier leurs vies et de surmonter les multiples crises auxquelles ils et elles sont exposées. Cette perspective est synthétisée par le terme « écosocialisme ».

    1. La possibilité d’un effondrement systémique

Les effets du réchauffement climatique sont déjà présents et affectent dès maintenant la vie de millions d’individus. La réduction de la biodiversité est engagée à un rythme extrêmement inquiétant. La sécheresse de l’été 2022 a souligné de manière évidente les tensions auxquelles nous allons être confronté·e·s, en particulier les concurrences exacerbées au sujet de l’usage de l’eau, ressource vitale. La pollution chimique de l’air, de l’eau et des sols, l’usage massif des pesticides ou des additifs alimentaires et l’invasion de l’écosystème Terre par les déchets plastiques constituent d’ores et déjà un danger pour la santé. L’épuisement des ressources (métaux et minerais) au moyen du pillage des pays du Sud global par un extractivisme gigantesque engendre une surconsommation de matière et d’énergie telle que les limites systémiques à la croissance sont déjà atteintes. Cette croissance est en réalité destructrice pour l’humanité et la vie sur la planète.

Cette situation marque une rupture dans la trajectoire de la civilisation humaine. La possibilité d’un effondrement systémique à l’échelle planétaire n’est plus à exclure. Elle aggrave les inégalités avec une tendance au séparatisme et à la monopolisation des ressources utiles, voire vitales, par les plus riches. Une classe minoritaire d’individus et un ensemble limité de pays, dont le mode de vie est prédateur et polluant, menacent de plus en plus directement la survie de la majorité, et empêchent la recherche d’une issue pour le bien commun de l’humanité.

    1. Construire une alternative à la militarisation du monde, aux guerres et au fascisme.

Loin d’améliorer la situation, les fausses solutions du capitalisme ne font que l’aggraver. Les inégalités et les discriminations environnementales redoublent les inégalités de race, de classe et de genre. Les guerres géopolitiques menées par les impérialismes rivaux sont autant de tragédies pour les peuples qui les subissent comme l’illustre aujourd’hui l’agression de l’impérialisme russe à l’égard du peuple ukrainien. Ces affrontements tendent à se transformer en guerres totales : sociales parce qu’elles visent à réduire à néant les droits sociaux des populations, écologiques tant la nature est devenue un enjeu des « guerres vertes », ethniques en cherchant à exclure les étrangers et étrangères de toute forme de citoyenneté, politique et juridique par la répression et la criminalisation de toute contestation. Dans ce contexte, l’accentuation des tendances à la militarisation du monde et des sociétés et à la radicalisation des politiques néolibérales se manifestent par le renforcement et l’extension de régimes autoritaires, voire dictatoriaux, un peu partout. Cela doit nous alerter sur la résurgence et le risque d’arrivée au pouvoir de régimes néo-fascistes.

Cette situation rend urgente la création d’un front de lutte antifasciste uni et conséquent. Elle implique également une rupture radicale et globale, écosocialiste, avec l’ordre et les désordres du capitalisme.

POUR CHANGER LE MONDE ET CHANGER LA VIE : UNE RÉVOLUTION NÉCESSAIRE. S’ENGAGER POUR L’ÉCO SOCIALISME

    1. Un projet révolutionnaire contemporain est nécessaire

La domination du capitalisme néolibéral est globale et systémique. Bifurquer de ce système signifie porter un projet de rupture globale avec l’ordre existant et les oppressions multiples sur lesquelles il prospère. Cette perspective radicale anticapitaliste et antiproductiviste nous confronte à la question de la construction d’un projet révolutionnaire contemporain. Une telle rupture est impossible sans une réflexion sur le bilan des révolutions passées, mais également sur les conditions actuelles dans lesquelles les processus révolutionnaires de notre temps peuvent être pensés, engagés et accomplis, dans toutes leurs dimensions. Nous estimons que les idées et réflexions portées par l’écosocialisme anticapitaliste occupent une place centrale dans notre programme. Pour concevoir et construire l’avenir de l’humanité il convient de les approfondir et de les discuter. C’est par ce processus que nous nous accorderons le mieux avec le nouvel horizon et un nouvel imaginaire émancipateur dont nous avons besoin.

    1. Pour une révolution sociale

Changer la trajectoire tracée par le « capitalocène » impose une rupture sociale et culturelle radicale. Cette rupture est indispensable pour supprimer les inégalités et satisfaire les besoins fondamentaux de l’humanité. En même temps, les luttes séculaires des exploité·e·s sont au cœur des processus de transformation radicale de la société : non seulement pour résister immédiatement à l’exploitation, à toutes les oppressions sur le terrain du travail, et conquérir des salaires et des revenus décents et des conditions dignes de vie et de travail, mais aussi, ces luttes s’enrichissent de l’aspiration à trouver un sens à son travail et à décider collectivement quoi produire, pourquoi et comment le produire, sans causer des dégâts sociaux et environnementaux destructeurs et irréversibles.

Au sein de nos économies contemporaines, nous devons substituer la propriété privée des moyens de production, d’échange et de communication, orientée par la logique du profit maximal pour la minorité dominante, par l’extension du « commun », et la priorité accordée à la valeur d’usage, à la satisfaction des besoins de tous et toutes, à la jouissance d’un maximum de temps pour de libres activités individuelles et collectives.

Ainsi, la lutte pour reprendre la main sur le travail et se réapproprier nos vies doit être menée dès aujourd’hui dans une perspective de généralisation des pratiques autogestionnaires et des multiples foyers d’expérimentation qui se réfèrent au « commun ».

    1. À court terme, rompre avec le productivisme

L’ampleur des remises en cause nécessaires exclut le replâtrage « écologique » du système. Il n’y a pas de solution qui puisse faire l’économie d’une rupture globale avec le productivisme et d’un changement en profondeur du travail, de la consommation, de la circulation des marchandises et de nos manières de nous déplacer. Il convient de repenser la relation à l’objet fabriqué, sa genèse écotechnologique, ses usages et possibilités de réparations, et comme déchet, sa décomposition et recomposition dans un ensemble plus vaste de cycles de vie d’objets techniques ou de matières. La révolution écologique n’est pas seulement un projet de décroissance économique choisie, elle est aussi une transformation des modes de vie rompant avec l’aliénation aux machines, le consumérisme, la marchandisation et l’accélération permanente des rythmes de nos sociétés. La bifurcation devra s’articuler autour d’un certain nombre d’exigences immédiates :

— sortir des énergies fossiles et du nucléaire en s’appuyant sur le projet « mégawatt » ,

— repenser en profondeur l’aménagement et l’organisation du territoire ,

— relocaliser les productions en sortant du libre-échange et du « grand déménagement du monde » ,

— changer de modèle agricole et alimentaire ,

— réduire significativement le temps de travail ,

— établir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, à valeur travail égale.

Le principe de la « règle Verte » qui consiste à ne pas prélever plus de ressources et produire plus de déchets que la planète ne peut en supporter doit guider l’action politique. La planification écologique et démocratique est l’outil de la révolution écologique. À partir d’une vision d’ensemble, il s’agit de coordonner au sein de l’État et dans la société, à toutes les échelles et en favorisant l’intervention directe de la population dans les débats, la mise en œuvre d’une action volontariste dans le long terme, en mobilisant des moyens immédiats pour engager les premières ruptures. Cet objectif suppose de prendre au sérieux la question de la confrontation avec l’État et, en son sein, avec les intérêts des classes dominantes. Sur ce terrain de la transition hors du productivisme, notre vision stratégique ne peut se résumer à la conquête électorale du pouvoir à l’intérieur des institutions actuelles. Elle implique une mobilisation populaire et une confrontation politique et sociale massive et de longue durée en vue de transformer radicalement les institutions. Elle suppose l’invention d’une démocratie nouvelle au sein des institutions et dans la société.

    1. Mettre fin au patriarcat

La dimension féministe de notre combat est fondamentale. Il s’agit en effet de lutter contre le patriarcat – c’est-à-dire un système social fondé sur l’oppression des femmes par les hommes, et contre son utilisation par le capitalisme. L’oppression et l’exploitation des femmes constituent les conditions de la survie d’un système économique qui s’appuie sur le travail gratuit des femmes et les exploite dans le champ de la reproduction sociale. Les conditions de la lutte féministe se sont radicalement transformées depuis le mouvement #Metoo. Une nouvelle vague féministe est lancée, plus internationale encore que les précédentes, et dans laquelle la jeunesse joue un rôle de premier plan. Centrée sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et le droit à disposer de son corps, elle conduit aussi à remettre en question la place dominée des femmes de manière fondamentale et dans tous ses aspects, dans la sphère publique comme dans la sphère privée. La trans misogynie, portée par la droite et par certains courants qui se disent féministes, en s’attaquant aux droits de certaines femmes, conduit à remettre en question des droits de toutes les femmes, notamment l’IVG.

Le contexte de crises multiples et imbriquées, notamment la crise climatique et la récente crise sanitaire, conduit également à transformer la manière d’envisager la place des femmes dans la société. Les tâches souvent pénibles qu’elles accomplissent, particulièrement les femmes racisées, et les emplois dévalorisés et sous-payés qu’elles occupent, rendus visibles pendant la pandémie, ont un rôle central et une fonction vitale tant dans la santé et les métiers du soin, que dans l’éducation, le nettoyage ou l’aide à la personne, etc.

Comme courant politique, nous nous inscrivons dans la lignée du « féminisme lutte de classe », issu des pratiques et débats des féministes des années 1970, qui entendait articuler la dimension de classe et la dimension de genre dans l’analyse des oppressions, les formes d’organisation et les mobilisations. Aujourd’hui, nous revendiquons une approche intersectionnelle au sens où elle prend en compte l’articulation et non l’addition ou la juxtaposition des diverses formes d’oppression et de discrimination, qui s’exercent, résultant en particulier du sexisme et des oppressions spécifiques de genre, du capitalisme, du racisme.

    1. Une révolution égalitaire et démocratique contre les oppressions structurelles

Il faut lutter contre les oppressions structurelles (patriarcat, racisme, hétéronormativité, validisme…) qui sont fondamentales, indissociables du capitalisme et parties intégrantes de la lutte contre l’exploitation du travail salarié et pour des droits sociaux. En effet les oppressions spécifiques liées notamment au genre ou aux origines (racismes, antisémitisme) sont largement entretenues par les classes dominantes en ce qu’elles accompagnent l’exploitation dans le système capitaliste. Les luttes LGBTQIA+ sont vectrices d’émancipation et de libertés individuelles grandies pour l’ensemble de la société. L’auto-organisation de ses membres sur les questions sanitaires (VIH et plus récemment Monkeypox) en sont des bons exemples.

Pour ce qui concerne le racisme, les manifestations et expressions de l’antisémitisme prétendument disqualifiées demeurent un facteur significatif de la violence raciste en verbe et en acte et un puissant agent de division. Au-delà, les cibles et les formes du racisme structurel en France ont évolué et se sont diversifiées. La France revendique l’héritage d’un universalisme politique considérant chaque individu comme partie-prenante d’une humanité universelle égale en droits et en dignité. Mais un usage perverti le retourne en son contraire pour légitimer une forme centrale du racisme en France : « l’islamophobie » qui s’attaque à des populations issues de l’immigration post-coloniale dont une majorité fait partie du prolétariat. Les discriminations contre les musulman·e·s témoignent d’un racisme contre les groupes dominés en raison de leur origine et de la division des opprimé·e·s et des exploité·e·s en France et plus largement en Europe.

De fait, ces oppressions traversent les classes populaires elles-mêmes. Elles s’articulent étroitement au racisme et aux formes d’exploitation qu’il entraîne. Il les superpose et les croise, les utilise, les approfondit et les renouvelle en permanence. La lutte pour l’émancipation et contre toutes les oppressions, doit faire l’objet d’une démarche intersectionnelle, attentive à n’en négliger aucune, pour favoriser la convergence entre les opprimé·e·s. La prise en compte de leur combinaison en un système global d’oppressions et d’exploitation doit faire l’objet d’une attention constante et se manifester au cœur de notre projet de rupture.

    1. Une révolution internationaliste contre les impérialismes

À l’âge du capitalisme financiarisé et mondial et de la crise climatique planétaire, le capitalisme est un système international renforcé, même si la mondialisation financière et marchande produit des effets en retour en termes de radicalisation des nationalismes de toute nature. Ces contradictions sont mondiales et traversent aujourd’hui toutes les sociétés.

Dans la lutte contre le capitalisme, nous ne pouvons nous identifier à aucun intérêt particulier, même national, s’il est défini hors de l’intérêt commun et de la solidarité entre tou·te·s les opprimé·e·s. Nos objectifs sont définis en vue d’un renversement du système global d’oppression et d’exploitation. Dans ce cadre, nous nous donnons pour tâche prioritaire de combattre l’impérialisme français sous ses multiples formes.

Réciproquement notre internationalisme ne peut pas nier de manière dogmatique l’existence, et parfois la légitimité, d’intérêts nationaux. En effet, les formes mêmes du capitalisme aujourd’hui mondialisé, donnent une importance plus grande à la défense de la souveraineté démocratique. Face aux dominations impérialistes et capitalistes, des intérêts progressistes peuvent s’exprimer sur cette base dans le but de protéger des populations d’un espace social et politique structuré au niveau national (la protection des services publics par exemple). D’autre part, nous défendons la souveraineté démocratique des peuples face aux différentes agressions impérialistes dont ils peuvent être les victimes.

En outre, les sociétés de la planète ne sont pas toutes à égalité au sein du système mondialisé. Les peuples du Sud global subissent des formes de domination et d’exploitation spécifiques, inscrites dans la durée, celles du développement actuel et passé du capitalisme. Les concurrences inter-impérialistes évoluent, la dynamique du capitalisme entraîne aujourd’hui l’émergence de nouvelles puissances, en particulier la Chine et l’Inde. Cependant, dans le cadre d’une géopolitique mondiale, nous considérons que les interactions entre États et blocs d’États ne peuvent pas être indifférentes aux contradictions économiques, politiques et sociales qui les traversent et aux solidarités objectives qui existent entre les peuples – ou aux facteurs qui, au contraire, les opposent contre leur intérêt. Nous sommes toujours guidé·e·s par l’intérêt des exploité·e·s et des opprimé·e·s.

7Pour réaliser ces objectifs, une révolution démocratique

Pour transformer en profondeur la société, il faut assurer le passage à une démocratie radicale. C’est l’auto-gouvernement qui doit permettre d’articuler la démocratie représentative avec des formes plus directes d’expression, de délibération et d’administration démocratique. Les formes d’auto-organisation – y compris celles en mixité choisie – accompagnent les luttes et en constituent une préfiguration.

La révolution démocratique vise à articuler la société et l’État au sein d’un espace politique combinant démocratie directe et représentation, dans lequel les citoyen·ne·s peuvent s’informer, s’exprimer, débattre, élaborer en commun, délibérer et décider, élire et révoquer, mettre en œuvre directement ou contrôler la mise en œuvre de leur mandat.

POUR RENDRE CES RÉVOLUTIONS POSSIBLES. S’ENGAGER DANS LE PROCESSUS RÉVOLUTIONNAIRE

          8 Favoriser l’intervention populaire face au bloc bourgeois

La radicalisation des politiques néolibérales et l’explosion des inégalités sont le résultat de la domination d’un puissant bloc aux composantes socialement et institutionnellement identifiables. Ce système assure une reproduction systématique des élites entre elles. Mais il a un point faible : son autonomisation, sa coupure avec la vie de la société. C’est donc de l’intervention populaire et de son auto-organisation que peut venir la solution. Au bloc oligarchique et bourgeois nous devons opposer le bloc populaire et démocratique associant toutes les forces politiques de rupture, mais aussi les collectifs associatifs, écologistes, culturels prêts à s’engager pour mener ce combat commun.

9 L’unité des exploité·e·s et des opprimé·e·s

Le principal défi contemporain est l’unité des opprimé·e·s et des exploité·e·s et de surmonter nos divisions pour nous organiser et agir ensemble. Cela concerne au premier chef le salariat, aujourd’hui largement majoritaire et fragmenté.

Car si l’unification est difficile, elle n’en est pas moins indispensable. La lutte pour l’égalité et la démocratie devra rassembler et ne laisser personne sur le bord du chemin quel que soit son statut, son genre, son origine ou son lieu de vie. Sur la base de leurs intérêts communs, elle vise à intégrer et solidariser l’ensemble des exploité·e·s et des opprimé·e·s dans un large front commun, social et politique.

Pour autant les luttes se mènent aussi sur divers fronts et selon des temporalités différentes. Il importe que les opprimé·e·s confronté·e·s à des oppressions multiples et spécifiques (sexisme et domination masculine, racisme, etc.) soient les acteur·rice·x·s de leur propre émancipation et de leur propre lutte. Il importe que celles-ci restent sous leur contrôle et que leurs allié·e·s trouvent une place en renfort des luttes menées.

10Reconstruire une hégémonie sociale et politique

Nous en sommes convaincu·e·s, c’est en transformant les conditions de la lutte que les exploité·e·s et dominé·e·s se transforment. Nous nous engageons sur la voie de la construction sociale et politique d’une contre hégémonie. Un tel combat concerne notamment la production d’un vocabulaire et d’idées, et l’élaboration collective d’un récit qui s’impose à l’adversaire et sédimente toute une conception du monde. L’échec des expériences dites socialistes, et plus de 40 ans d’offensive néolibérale ont affaibli les discours et modes de pensée qui s’étaient construits au 19e et au 20e siècles. C’est un nouvel horizon et un nouvel imaginaire que nous reconstruisons. Cela ne peut s’envisager sans une participation active à la conquête de positions institutionnelles au travers des échéances électorales à tous les niveaux. Pour autant cela ne modifie pas notre conviction fondamentale : nous ne perdons pas de vue que cette activité – parlementaire en particulier – n’a pas de sens prise isolément. Elle ne peut se mener qu’en ayant toujours un pied dedans et un pied dehors. L’intervention populaire irrigue et prolonge une activité qui n’a de sens que dans la mesure où elle peut être en permanence inspirée et contrôlée par le peuple et les électeur·trice·s.

Nous posons en effet la question de la conquête mais aussi de l’exercice du pouvoir. Nous partageons la conception de la révolution citoyenne dans laquelle une victoire électorale de la gauche sur un programme de rupture doit être conçue comme l’amorce d’un processus mobilisant les citoyen·ne·x·s pour l’élaboration d’une nouvelle constitution fondatrice d’une sixième république. Mais nous estimons que la nature même de ce processus constituant mérite discussion et confrontation d’hypothèses stratégiques. Ce processus doit, à nos yeux, être engagé dans le cours même des séquences électorales. Et il doit se traduire par la constitution de comités et de réseaux s’octroyant les pouvoirs nécessaires pour commencer à réorganiser la vie économique, sociale et politique sur leurs propres bases. Le processus constituant sera donc étroitement lié au processus instituant qui prolonge et met la victoire électorale sur la voie de la révolution sociale.

Reconstruire l’hégémonie politique et sociale au sein des classes populaires est la condition de leur basculement dans une dynamique révolutionnaire non seulement pour mener un assaut victorieux pour prendre le pouvoir, mais aussi l’exercer de façon démocratique.

11Se préparer à l’exercice démocratique du pouvoir

L’exercice démocratique du pouvoir s’appuie sur les expériences d’auto-organisation, qui pourraient être considérées comme une école de l’autogestion. Il s’agit d’une forme d’organisation de l’économie et de la société fondée sur la coopération démocratique, y compris à petite échelle, et durant une période limitée. Ces expériences constituent une façon nouvelle et subversive de faire société. Elles se développent particulièrement dans les situations de crises. Des germes visibles d’autogestion existent aujourd’hui qui ne sont pas sans lien avec les formes d’organisation sociales et politiques des « communs ».

Cela étant, la question du rôle de l’État reste posée. Le bilan global des révolutions du siècle passé laisse en effet entière la question du dépérissement et de l’extinction de l’État en tant que machine bureaucratique et instrument de domination de classe. Mais de façon symétrique le bilan des courants et des expériences visant à réformer et démocratiser de l’intérieur les rouages de l’État est loin d’être évident, en particulier pour tout ce qui concerne les instruments de coercition et de répression. Au sein de la problématique de la transition du capitalisme au socialisme, le problème n’est sans doute pas de trancher sur les voies que prendront les peuples, puisqu’ils les inventeront eux-mêmes. Il s’agit donc moins de proclamer ou décréter l’abolition de l’État, ou d’établir par avance la liste des institutions censées le remplacer, que de contribuer à créer les conditions favorables à la socialisation de ses fonctions. L’auto-gouvernement du peuple aura pour principal fondement l’association volontaire de « celles et ceux d’en bas », avec le souci de se coordonner et de se fédérer sur la base de principes élaborés en commun et soumis à une validation populaire constante et élargie, articulant démocratie directe et démocratie représentative. Cela doit permettre de maintenir vivants des outils de contrôle populaire sur le pouvoir central. Ce contrôle demeurera la garantie du pluralisme, et le principe de subsidiarité du point de vue de la prise de décision, dans une perspective autogestionnaire.

12Une force politique organisée et démocratique pour l’émancipation

Le rôle des organisations est donc conditionné par l’évolution de la société dans son ensemble. Nous assistons à une stratification sociale extrême, un éclatement des classes populaires sous l’impact de la mondialisation et de l’évolution des processus de travail, et en particulier, du développement de la précarité et de la sous-traitance.

À côté de l’opposition traditionnelle capital/travail ont surgi une série de mouvements sociaux écologistes, féministes, anti-racistes, etc., dont les représentations sont multiples et diversifiées. Surgissent aussi de nouvelles problématiques liées à l’identité, au genre, aux situations de handicap ou à la relation au vivant dans sa globalité. L’alliance dans un même projet reste à construire.

La contre-révolution libérale a très fortement développé un individualisme, faussement émancipateur, qui met à mal l’idée même d’engagement existant nécessairement dans tout cadre collectif.

Le développement des réseaux technologiques dits réseaux sociaux amène bien souvent à une forme de militantisme à distance correspondant aussi aux pratiques de générations habituées à des rythmes accélérés sur des temporalités courtes et centrées sur l’action immédiate. Ces mutations sociales et ces transformations des répertoires d’action collective ne justifient pas pour autant la disparition des formations politiques au profit de regroupements informels, ou entièrement dirigés par en haut sans que les militant·e·s aient la possibilité de définir une orientation et de mettre en œuvre une stratégie. Avancer l’argument de l’efficacité pour justifier la centralité de l’usage de ce type d’outil est illusoire voire possiblement dangereux en l’absence d’approche critique de l’impact de ces technologies

La nécessité demeure de promouvoir une formation politique conçue comme un « intellectuel collectif » prenant en compte les mutations de la société, renouvelant ses pratiques et se fixant des tâches ambitieuses. Contrairement à ce que beaucoup imaginent — et dont ils et elles-mêmes finissent par douter avec l’expérience, l’existence de structures et de règles est aussi la condition de la démocratie interne. Une formation politique à visée révolutionnaire encouragera toutes les formes de coordination et de solidarité indispensables dans une époque où le libéralisme devient de plus en plus autoritaire et où les affrontements sociaux risquent de devenir de plus en plus violents.

Profondément écologiste, socialiste, féministe, antiraciste et internationaliste, cet « intellectuel collectif » œuvrera à rassembler tous les éléments capables de contribuer à faire converger les diverses luttes dans le cadre d’un projet politique global sans subordination ou minoration d’aucun des mouvements sociaux contre l’exploitation, les oppressions et discriminations.

13Ce n’est qu’un début, continuons le débat

Comme nous l’avons indiqué, les principes et les propositions mises ici en avant traduisent l’état actuel de notre réflexion et ne prétendent ni trancher définitivement ni résoudre un ensemble de questions posées à toutes les forces de transformation écologique et sociale.

Parmi tant d’autres à approfondir, prolonger et mettre en débat on peut signaler :

— la nature plus détaillée du (ou des) impérialisme(s) et les tâches incombant aujourd’hui à un nouvel internationalisme,

— la place du prolétariat et des classes populaires de nos jours et les voies possibles de leur unification et de la construction d’une conscience collective tenant compte des divisions qui les traversent,

— les risques que représente la montée de l’extrême-droite pour la perspective d’une rupture émancipatrice avec l’ordre néo-libéral et les moyens de la contrecarrer au sein des catégories populaires,

— la place des différentes oppressions dans le combat pour l’émancipation générale et dans la constitution de nouveaux sujets révolutionnaires,

— la nature de la société démocratique à bâtir (dont les rapports entre les divers niveaux de choix politiques, locaux, nationaux, internationaux, mondiaux),

— la transformation et le dépérissement de l’état dans la perspective d’une transition démocratique à l’éco socialisme,

— le contenu de la « décroissance » différentielle impliquée par les choix écologiques,

— les nouveaux partis et les nouveaux fronts de résistance, de rupture et de transformation sociale à bâtir dans les conditions du 21e siècle, leur démocratie interne, l’égalité en leur sein, la lutte contre la bureaucratisation toujours possible.

Les réponses à ces questions dépendent en premier lieu, nous le savons, des chemins ouverts par les luttes et les mouvements sociaux eux-mêmes. Il s’agit d’y prendre notre part et de favoriser en même temps la mise en discussion des questions majeures du mouvement pour l’émancipation à notre époque. Puissent le constat et des principes exposés ci-dessus favoriser le débat.